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    Forum «Quand le corps s'éclipse»

    Allons-nous tous finir «augmentés» ?

    Par Xavier Colas
    André Comte-Sponville et Laurent Alexandre lors du débat «La médecine du futur» au Forum «Quand le corps s'éclipse» le 3 décembre 2016.
    André Comte-Sponville et Laurent Alexandre lors du débat «La médecine du futur» au Forum «Quand le corps s'éclipse» le 3 décembre 2016. © Julien Mignot

    Transhumanisme, intelligence artificielle… les progrès de la technique interrogent l’avenir de la médecine et de notre rapport à la santé. Récit du dernier débat de cette journée.

    Après la journée mondiale de l’AVC, Libération organise «Quand le corps s’éclipse», une journée de débats sur les liens entre maladie et société.

    La place de la médecine n’a jamais été aussi grande dans nos vies et nos sociétés. «La peur de la mort est formidablement accentuée par le recul des croyances religieuses sur la vie après la mort et l’idée que cette existence est finalement unique. Dieu est mort, vive la Sécu !», ironise André Comte-Sponville, philosophe et ancien membre du Comité consultatif national d’éthique. Outre ce recul du religieux, les progrès fulgurants de la technique ont modifié la perception même que nous nous faisons de la santé. Ainsi, pour l’Organisation mondiale de la santé, la bonne santé ne se cantonne plus seulement à l’absence de maladie mais s’entend à présent comme «un état de complet bien-être physique, mental et social». Un déplacement de la frontière entre le normal et le pathologique qui débouche, sur ce qu' André Comte-Sponville nomme le «panmédicalisme» : une idéologie qui transforme la médecine en un outil d’amélioration des états normaux. «Est-ce encore de la médecine ou déjà du dopage ?», s’interroge-t-il.

    En vidéoQuelle médecine pour le futur ?

    En ligne de mire : le fantasme d’un humain amélioré et augmenté, pas si fantasmé que ça à en croire Laurent Alexandre, chirurgien et directeur de DNA Vision. Expert du transhumanisme, il pense même que le big-bang médical est pour demain. «L’effondrement du coût du séquençage ADN, divisé par trois millions en dix ans, les premières thérapies géniques, bientôt la régénération des organes à partir des cellules souches… les Nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives (NBIC), vont bouleverser la médecine», prédit-il. Cet ensemble de technologies est, en partie, porté par les géants de la Silicon Valley, dont les dirigeants, tenants de l’idéologie transhumaniste, ont d’ores et déjà annoncé la couleur…

    Silicon Valley et transhumanisme

    Microsoft prophétise ainsi la fin du cancer en 2026, quand Mark Zuckerberg promet lui l’éradication de toutes les maladies humaines d’ici à 2099 et que Google tente d’allonger l’espérance de vie de 25 ans à travers sa société de biotechnologies baptisée Calico. Ces nouveaux acteurs du domaine de la santé s’appuient sur une intelligence artificielle qui ne cesse de progresser, capable de traiter des milliards de données. «L’intelligence artificielle sera notre docteur d’ici dix ou vingt ans. Il y a là la promesse d’un transfert de pouvoir bouleversant pour le corps médical», avertit Laurent Alexandre. Et de s’interroger : «Comment gère-t-on une société où c’est Google qui nous soigne et plus le généraliste du coin ?»

    Plus généralement, c’est la question d’une opposition entre les bio-conservateurs et les partisans d’un humain augmenté qui est ici posée, alors que les premiers bébés issus de trois parents biologiques sont nés en septembre dernier. Si André Comte-Sponville tempère ces avancées technologiques en relevant le fait que le record de longévité de Jeanne Calment, décédée à 122 ans il y a une vingtaine d’années, demeure inchangé, l’ex-membre du Comité consultatif national d’éthique concède que «La technique va toujours plus vite que la morale et que le droit» et plaide pour la mise en place d’accords internationaux en matière d’éthique, de manipulations génétiques et d’exploitation des données médicales. Mais à l’heure où la moitié des parents chinois se disent favorables à l’utilisation de la génétique pour augmenter le quotient intellectuel de leur enfant, contre 13% des couples français, et que la Chine a récemment publié les résultats des premières manipulations génétiques sur l’embryon, une législation internationale apparaît peu probable.

    «La soeur de Kennedy a été lobotomisée»

    Alors, tous augmentés ? Faut-il aller jusqu’à la dématérialisation de la vie, comme le prônent les transhumanistes ? «La transgression c’est un truc contingent et local», argumente Laurent Alexandre. «On a fait des lobotomies aux adolescents qui se masturbaient trop en Amérique du Nord dans les années 50 et 60, avec l’accord des parents, du ministère de la Santé, de l’hôpital. D’ailleurs, la soeur du président Kennedy, qui aimait beaucoup les garçons, a été lobotomisée», rappelle le directeur de DNA Vision. «C’est donc vachement dur de prévoir ce que seront les normes éthiques et morales en 2060».

    Des perspectives en tout cas pas vraiment du goût d’une femme dans le public qui conclut : «Ça serait quoi une vie dématérialisée ? On ne mangerait plus, on ne baiserait plus, on ne ferait plus de musique… eh bien non merci !».

    Xavier Colas @Xavier_Colas
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