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    «Les séries font la loi»

    L’homme bionique, perfection à la chaîne

    Par Emmanuel Guillemain d'Echon (mis à jour à )
    Une nouvelle norme pourrait apparaître, qui concernera tout le monde, soldats comme civils : celle d’un homme «augmenté».
    Une nouvelle norme pourrait apparaître, qui concernera tout le monde, soldats comme civils : celle d’un homme «augmenté». Photo Hugh Kretschmer

    Les progrès de la science laissent entrevoir la possibilité de créer un être augmenté, réparable et modulable à volonté.

    Il faudra un peu plus de 3 milliards de dollars (2,7 milliards d’euros) pour y parvenir. Mais il est à portée de main bionique, le rêve - cauchemar pour certains - d’un être mi-homme mi-machine qui vivrait plus longtemps, en possession de toutes ses capacités, et même peut-être indéfiniment, avec de nouveaux pouvoirs. Une nouvelle série d’Homo sapiens 2.0, transhumain ou posthumain. Bref, une nouvelle espèce.

    La question, en fait, n’est plus de savoir si cela se produira, mais quand et de quelle manière exactement. La poussée des thèses transhumanistes, un courant de pensée originaire des Etats-Unis qui vise à reléguer toujours plus loin les frontières de la mort, va grandissant, grâce à «la boulimie de recherches, dont l’accélération, exponentielle, n’a jamais été aussi rapide», affirme Béatrice Jousset-Couturier, auteure du livre le Transhumanisme. C’est ce qu’on appelle, depuis une quinzaine d’années, la «convergence NBIC», un domaine scientifique au carrefour des nanotechnologies (N), des biotechnologies (B), de l’intelligence artificielle (I) et des sciences cognitives ou neurosciences (C).

    Première étape : la construction d’un humain en kit, réparable et modulable à volonté. On connaît déjà, depuis quelques décennies, les greffes d’organes, les pacemakers ; les cœurs artificiels Carmat ou Syncardia, pas encore tout à fait au point, équipent plusieurs centaines de patients. Ce n’est qu’un début. Le premier rein bio-artificiel sera testé dès l’an prochain. Et les imprimantes 3D annoncent l’ère du mécano-humain. Elles permettent à la fois de réduire les coûts, d’atteindre une précision inégalée et d’individualiser le traitement : d’ici quelques années, il devrait être possible de remplacer les organes abîmés d’un patient par des sains, produits à partir de ses propres cellules. On sait déjà imprimer des morceaux microscopiques de foie ou de peau, mais aussi des veines, des os ou du cartilage à taille humaine, parfaitement vascularisés quelques mois après leur greffe sur des souris.

    Sur les traces de Robocop

    Les prothèses s’apprêtent elles aussi à faire des bonds de géant. Si des mains bioniques, qui permettent un contrôle assez fin des doigts grâce à des capteurs installés sur les muscles des moignons, équipent désormais des milliers de handicapés, des scientifiques de l’université de Pittsburgh ont démontré qu’il était possible de les contrôler par la pensée, via des électrodes implantées dans le cortex. D’autres chercheurs américains ont réussi à reproduire le sens du toucher via la prothèse, en câblant celle-ci au système nerveux.

    La Deep Brain Stimulation (DBS, «stimulation cérébrale profonde») permet de faire l’interface entre l’homme et la machine en agissant directement sur le cerveau, grâce à des impulsions électriques envoyées par des implants. C’est ainsi que l’on arrive à réduire drastiquement, depuis dix ans déjà, les spasmes et les tremblements des malades de Parkinson. L’an prochain, des chercheurs de l’université de Melbourne testeront l’installation de ce genre d’implants sans avoir à ouvrir la boîte crânienne, par une simple injection dans une artère du cou.

    Comme beaucoup d’autres à l’heure actuelle - et comme souvent dans l’histoire des techniques médicales -, ces recherches sont financées par l’armée, et en l’occurrence par l’Agence pour les projets de recherche avancée de défense (Darpa), le laboratoire du Pentagone, à l’origine en son temps de l’invention d’Internet.

    Au départ, il s’agit de soigner les blessés de guerre, mais l’éventail des possibilités laisse ressurgir le fantasme d’un super-soldat sur les traces de Robocop, qui n’aurait plus besoin de dormir, n’aurait plus peur au combat et pourrait cicatriser à vitesse grand V. Demain, les implants cérébraux pourraient permettre un dialogue entre les machines et les hommes, et fournir ces derniers en informations que nos sens sont incapables de détecter (vision de nuit, élaboration de stratégies avancées, etc.). Des recherches financées par le Darpa s’attellent également à deviner et «supprimer» la peur au moment où elle se manifeste par une hyperactivité de l’amygdale cérébrale, ou encore à recréer ou modifier des souvenirs. Ce qui laisse craindre des dérives évidentes. Qui empêchera les armées de se servir de ces techniques pour les soldats en action ? Sans parler d’une utilisation à des fins totalitaires.

    Puce dans le pouce

    Le plus difficile à anticiper, peut-être, c’est que toutes ces nouvelles technologies ne visent plus simplement un retour à la «normale» pour handicapés ou malades. Il s’agit de la création d’une nouvelle norme, d’un homme «augmenté», qui concernera tout le monde, soldats comme civils. Il s’est déjà produit la même chose avec la chirurgie esthétique, née du besoin de réparer les «gueules cassées» par les canons de la Première Guerre mondiale. Aujourd’hui, elle sert plus largement à remodeler seins, fesses et minois au gré des canons de beauté en vogue.

    Après tout, les prothèses de demain, encore malhabiles, seront plus puissantes et permettront des exploits au-delà des capacités de nos pauvres membres. Les lames de carbone qui remplaçaient les pieds d’Oscar Pistorius lui ont permis de tutoyer les chronos des athlètes valides. Alors, pourquoi ne pas un jour s’en servir pour remplacer ou recouvrir des jambes en parfait état ?

    On ne compte plus les «biohackers» en parfaite santé, cyborgs autoproclamés qui expérimentent ces nouvelles technologies sur eux-mêmes, hors de tout contrôle médical. Depuis quelques années, il suffit d’aller chez un tatoueur pour se faire injecter dans le gras du pouce une puce capable de déverrouiller un smartphone, d’ouvrir une porte sécurisée ou encore de payer ses achats sans contact (coût : à partir de 39 dollars, soit 35 euros) ; ou bien un aimant dans l’annulaire, pour ressentir les champs électriques à portée ; ou encore des objets connectés, sous la peau, permettant de surveiller en permanence le pouls ou la pression artérielle… Plus besoin d’Apple Watch ! On envisage aussi de faire appel à des nanorobots pour réparer et entretenir le corps de l’intérieur, à la place des anticorps, ou empêcher le vieillissement des cellules.

    Quant aux progrès de l’intelligence artificielle et de la connaissance du cerveau, ils laissent présager des évolutions plus folles encore. Ray Kurzweil, pape de l’intelligence artificielle et chercheur star de Google, prophétise que d’ici la moitié du XXIe siècle, il sera possible de télécharger sa conscience sur un support numérique et de vivre ainsi éternellement, en dehors de toute enveloppe charnelle, dans une réalité mi-virtuelle. Imaginez un peu un homme qui ne serait plus une série de cellules, mais de 0 et de 1…

    Mardi : les bulles (et quand elles éclatent)

    Emmanuel Guillemain d'Echon
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