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    cyberbestiaire

    Les robots font le grand zoo

    Par Audrey Chabal
    Le robot-guépard Cheetah développé conjointement par le MIT et l'agence de recherche militaire américaine DARPA. Cheetah court à 29 km/h, c'est le robot le plus rapide à ce jour (caputre d'écran d'une vidéo de la DARPA)
    Le robot-guépard Cheetah développé conjointement par le MIT et l'agence de recherche militaire américaine DARPA. Cheetah court à 29 km/h, c'est le robot le plus rapide à ce jour (caputre d'écran d'une vidéo de la DARPA) AFP

    Blate cyborg, chien de guerre, oiseau bionique… la robotique s’inspire de plus en plus des capacités animales pour perfectionner ses machines.

    Un bruit d’épilateur électrique franchement fatigué couplé à celui d’un essaim d’abeilles métallisé accompagne la démarche mécanique et brinquebalante de BigDog. Juché sur ses quatre pattes articulées, le corps de cette bestiole de 91 centimètres de long pour 76 de haut semble tout droit sorti de l’armée de Dark Vador. Mais BigDog n’est pas un droïde défendant le côté obscur de la force. Il s’agit d’un robot hybride, à la croisée du chien et de la mule, mis au point par la firme américaine Boston Dynamics. Ce gros quadrupède robotisé a été testé en conditions réelles par l’armée en Afghanistan en 2009.

    Une mule, car la machine pèse 110 kilos, mais peut en porter 150, sur des chemins, dans la neige, dans la boue, sur la glace, sur des gravats… Pratique, quand on sait à quel point peuvent s’embourber les engins militaires. Il semblerait que la Darpa (Defense Advanced Research Projects Agency), qui a financé la bête, a compris que les véhicules tout-terrain ne le sont en réalité que sous conditions. «Les humains et les animaux peuvent se déplacer presque partout sur terre. Les engins, non. Notre approche, assure Boston Dynamics, est d’utiliser les principes de locomotion des animaux pour créer des véhicules capables de se déplacer en terrain accidenté.» (Voyez plutôt ci-dessous comment Big Dog se joue des obstacles sur tous les terrains)


    «L’intelligence incarnée»

    C’est tout l’objectif de la biorobotique : réussir, grâce à la nature, là où la technique a pour le moment échoué. Frédéric Boyer, professeur de robotique à l’école des Mines de Nantes et membre de l’Ircynn-CNRS, explique : «Lorsque l’on rencontre une difficulté, ce que l’on appelle un verrou technologique, l’idée est de chercher dans la nature pour y trouver des organismes vivants qui l’ont résolu afin de s’en inspirer et régler le problème.»

    La biorobotique est ainsi à la croisée de la robotique et du biomimétisme. Ces dernières années, pourtant, les regards étaient tournés vers les robots humanoïdes ou l’intelligence artificielle, deux domaines s’inspirant directement de l’être humain. Alors pourquoi prendre exemple sur les animaux ? Bien que l’homme soit aussi un animal, en matière de source d’inspiration, on a fait mieux. Le mot-clé, c’est locomotion. Le biomimétisme n’est pas nouveau. Les avions, par exemple, s’inspirent de la forme de l’oiseau sans pouvoir reproduire la motricité de ses ailes. On se souvient de l’expérience malheureuse de Franz Reichelt, un tailleur installé à Paris, qui décide en 1912 de s’élancer de la tour Eiffel muni d’un costume imitant les ailes d’un oiseau. Et qui est tombé comme une pierre. Une expérience à l’issue tragique qui n’a pas découragé les chercheurs, ni modifié leur fascination pour le règne animal.

    A la différence de l’homme, l’animal va se déplacer en dépensant le moins d’énergie possible. Mieux, Frédéric Boyer raconte «l’expérience du poisson mort», plus connue sous le terme de «nage passive». Un poisson mort pris dans un tourbillon parvient à extraire l’énergie de son environnement pour avancer… Une expérience retranscrite en termes mathématiques par l’école des Mines de Nantes dans le cadre du projet européen Angels. Ces recherches ont montré que l’animal peut interagir avec son milieu et se servir de ses contraintes afin d’évoluer dans les meilleures conditions. En clair, «l’idée est d’obtenir un corps en interaction avec le monde qui l’entoure ; c’est l’intelligence incarnée». Bref, l’intelligence est désormais dans le corps. Doit-on pour autant voir s’éloigner dans les brumes de la science-fiction la voix sensuelle de Scarlett Johansson, un système d’exploitation qui, derrière l’écran de l’ordinateur, lit les mails, rappelle les rendez-vous, blague et flirte avec un Joaquin Phoenix enamouré dans Her ? Disons que l’intelligence artificielle et l’intelligence incarnée ne travaillent pas dans les mêmes sphères. Et ce qui est recherché dans la biorobotique, c’est la capacité de mouvement, alors que les humanoïdes, même si le japonais Asimo a fait d’impressionnants progrès en termes d’aisance gestuelle, restent limités dans leur mobilité.

    En quête de poésie

    «Le terme intelligence est parfois excessif», souligne Franck Ruffier de l’Institut des sciences et du mouvement (ISM) de l’université Aix-Marseille et chercheur au CNRS. Avec son collègue Stéphane Viollet, à la tête de l’équipe biorobotique de l’ISM, ils préfèrent parler de «comportements réflexes» pour leurs robots. Tous deux travaillent sur la mouche, et plus spécifiquement sur son œil. Dans le cadre du projet européen Curvace, ils ont réalisé, avec leurs collègues suisses et allemands, le premier œil artificiel qui imite celui de l’insecte : 15 millimètres de diamètre, 630 micro-lentilles, une sorte de boule à facettes, avec derrière chaque lentille, un pixel. Vision panoramique à 180 degrés. Cet œil «composé», comme celui de la mouche, bénéficie d’une taille réduite et d’un grand champ visuel. Et donc, comme chez la mouche, la vision est floue. Peu importe, l’idée était de réaliser le premier œil composé.

    Stéphane Viollet et Franck Ruffier s’aventurent sur une application qui permettrait la navigation d’engins dans des tunnels en évitant les collisions et sur une autre servant à mesurer la distance parcourue. Mais pour l’instant, rien de commercialisable. Ces recherches en biorobotique ne se transforment encore que trop rarement en applications. Frédéric Boyer, de l’école des Mines de Nantes, a réalisé le premier robot nageur. Raamo, le robot anguille en milieu opaque, s’inspirait ainsi de la nage de l’anguille. «Mais il ne nage plus, avoue Frédéric Boyer. Son rôle était simplement de prouver le concept.»

    Milieux contaminés

    La biorobotique serait-elle un gadget ? On serait tenté de le croire. Bionic Bird, par exemple, est un robot oiseau qui ne sert pour l’heure à rien d’autre qu’à voler pour le plaisir des yeux. Finalement, pourquoi pas ? En imitant la nature, le secteur ne serait-il pas aussi en quête de poésie ? Avec le Bionic Kangaroo de la société allemande Festo, le kangourou qui se déplace grâce à l’air comprimé entre ses pattes semble avoir été conçu pour la beauté du geste. Ses créateurs espèrent voir venir une application industrielle de stockage d’énergie. Le concepteur du Bionic Bird, Edwin Van Ruymbeke, ingénieur aéronautique et créateur de jouets volants, espère lui aussi aller plus loin et créer le drone du futur. Même chose du côté des Mines de Nantes. Si Raamo ne nage plus, un robot s’inspirant des poissons tropicaux est à l’étude en partenariat avec Areva : grâce à la perception électrique, ces poissons polarisent l’énergie autour d’eux pour se déplacer sans se cogner, interagir, reconnaître la forme des objets…(ci-dessous le bionic Kangaroo de Festo jumpe comme un vrai)

    Le biomimétisme trouve ainsi des issues pratiques dans des secteurs de pointe et offre de grands espoirs aux chirurgiens, militaires et industriels. A eux de s’emparer des trouvailles. Ces futurs robots bio-inspirés pourront être particulièrement efficaces dans des milieux contaminés, des endroits difficiles d’accès… C’est le cas de Plantoïd, le premier robot imitant le fonctionnement d’une racine. Conçu par le laboratoire de neurobiologie végétale (voir encadré), le Plantoïd permet l’exploration des sols contaminés.

    Certains poussent loin le concept de biorobot. Des chercheurs du laboratoire iBionics, en Caroline du Nord, ont mis au point un robot cafard… constitué d’un vrai cafard. Une blatte cyborg équipée d’un dispositif sonore ultrasensible. Grâce à sa taille minuscule, Roboroach pourrait être utilisé lors de catastrophes naturelles afin de découvrir les victimes ensevelies sous les gravats. Le biomimétisme n’irait-il pas trop loin ? Frédéric Boyer l’affirme : «Reproduire à l’identique les solutions de la nature est hors de portée de nos technologies. Ce que nous faisons, c’est mettre au jour et exploiter les astuces que les animaux ont découvertes afin de les reproduire fonctionnellement avec nos technologies.» (ci-dessous le robot cafard VelociRoACH développé par Duncan Haldan et son équipe du laboratoire de systèmes biomimétiques millimétriques de l’université de Berkeley. Il mesure 10 centimètres et se déplace à 2,7 m/s).


    En somme, l’objectif de la biorobotique est bien de s’inspirer de l’animal pour adapter ses capacités à la machine. Mais, comme l’indique Frédéric Boyer, «le rêve absolu de tout roboticien, c’est l’autonomie». C’est en la recherchant que les scientifiques se sont d’ailleurs tournés vers l’intelligence artificielle et la création d’humanoïdes. «Au départ, on pensait que pour être autonome, il fallait être intelligent au sens où l’est le cerveau humain, mais avec ce paradigme, les machines sont restées stupides et moins performantes que l’animal», ajoute le chercheur.

    Et si, demain, l’intelligence incarnée et l’intelligence artificielle s’accouplaient ? C’est peut-être ce que souhaite Google qui, en 2013, a racheté huit entreprises de robotique, dont le japonais Schaft, connu pour ses humanoïdes, et l’américain Boston Dynamics, le maître de BigDog. A quoi ressembleront donc ces robots doués de l’intelligence du corps, inspirée des animaux, et dont la puissance de calcul dépasse toute possibilité humaine ? La réponse à cette question ne se trouve pas encore dans la tête de BigDog.

    Audrey Chabal
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