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Combien de fois Pedro Sanchez a-t-il été donné pour mort politiquement avant de prendre, finalement, la tête du gouvernement espagnol ? Il va succéder à Mariano Rajoy, qu’il a détrôné de manière inespérée grâce à une motion de défiance, vendredi 1er juin à Madrid.
Pedro Sanchez, économiste de 46 ans, est méconnu du grand public lorsqu’il est élu secrétaire général du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) une première fois, en 2014. Sachant jouer de son sourire, il crée alors la surprise en obtenant 49 % des voix des militants, loin devant ses concurrents. Son atout : le soutien de la fédération andalouse, menée par l’ambitieuse Susana Diaz, qui voit en lui un candidat docile, auquel elle entend imposer sa tutelle, le temps de lui chauffer la place, tout en laissant les barons régionaux gouverner leurs fiefs sans ingérence. Sa candidature est alors avant tout une réplique à celle d’Eduardo Madina, député populaire et candidat charismatique, dont la volonté de régénération du parti effraye la vieille garde socialiste.
A l’époque, son profil lisse et son discours sur le changement sans rupture laissent augurer un dirigeant rassurant, si ce n’est ennuyeux, dont la tâche s’annonce ardue : freiner la montée du jeune parti de la gauche alternative Podemos. Il multiplie alors les références à deux autres anciens « jeunes premiers » socialistes — son compatriote Felipe Gonzalez, qui fut premier ministre à 40 ans et dirigea le gouvernement de 1982 à 1996, et l’Italien Matteo Renzi, éphémère coqueluche de la gauche européenne.
Un CV d’éternel remplaçant
Le curriculum vitae politique de cet homme de 1,90 mètre, au physique de Cary Grant, est assez succinct. Député entre 2009 et 2011 à la faveur de l’abandon du siège par un camarade du parti, il l’est redevenu en 2013 dans les mêmes circonstances. Pedro Sanchez n’avait été, avant cela, que conseiller municipal de Madrid entre 2004 et 2009… grâce à deux autres désistements. Cet éternel remplaçant disait, en 2010, apprécier sa fonction de « plombier » du parti, une petite main qui aide à réparer les fissures.
Ses ambitions de pouvoir provoquent la méfiance
Cependant, sa docilité présumée comme secrétaire général ne dure que quelques jours : en juillet 2014, il appelle les eurodéputés du PSOE à voter contre le conservateur luxembourgeois Jean-Claude Juncker à la présidence de la Commission européenne et casse son image, toute fraîche, d’homme politique mesuré et malléable. Au sein du groupe socialiste, cette décision contraire au pacte scellé entre les socialistes européens et la droite provoque la première fracture. Immédiatement, ses ambitions de pouvoir provoquent ainsi la méfiance de ceux-là mêmes qui l’ont mené au pouvoir autour de deux missions : impulser un changement en douceur pour donner un nouveau souffle au PSOE, au plus bas dans les sondages, et travailler à l’unité du parti, soumis à des guerres intestines et à des fractures territoriales.