S'imposer face à un ado

Entre un adolescent et ses parents, c’est souvent un dialogue de sourds. Le premier aspire à devenir autonome et s’acharne à s’affirmer, les seconds s’efforcent vaille que vaille de maintenir leur autorité. Pour Psychologies, Camille, 16 ans, et ses parents ont accepté d’en discuter ensemble.

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Françoise Dolto appelait cet âge difficile « le complexe du homard ». Semblable à ce crustacé fragilisé entre deux changements de carapace, l’adolescent, entre oripeaux de l’enfance et peau d’adulte, se débat, se heurte, et cherche à s’affirmer par l’opposition. Sophie Campredon, psychiatre pour adolescents dans le service du docteur Marcel Rufo, à l’hôpital Salvator de Marseille, rappelle que « l’adolescence est une période de changements radicaux : corps, sexualité, psyché, etc. Les limites internes s’écroulent. Tant que ses angoisses de grandir ne seront pas apaisées, l’ado ira plus loin dans ses actes pour trouver sa place. Au risque de se déliter, voire de s’autodétruire ».

 

Dans cet acharnement à s’affirmer, l’adolescent va heurter de plein fouet l’autorité parentale. « À cette période, tout est paradoxe : l’ado souhaite l’autonomie tout en appréhendant l’inconnu. Il recherche des limites tout en les refusant. L’opposition est un mécanisme qui participe à sa construction. Le parent ne doit pas capituler. Contre un mur de béton, l’ado se cogne mais rebondit ; contre un mur de sable, il s’étiole », résume Sophie Campredon. Difficile à comprendre pour nombre de parents, qui ont le sentiment d’avoir constamment soutenu, écouté leur enfant. « Beaucoup de parents actuels manquent de repères, poursuit la psychiatre. Les difficultés de leur ado viennent signifier leurs fragilités et leurs incertitudes, bousculer leur estime de soi. Ils ont peur de lui, mais surtout d’eux mêmes. L’adolescent perd alors confiance en eux et les attaque, tout en culpabilisant de ressentir cette agressivité. » Selon elle, un parent qui veut poser clairement des limites doit s’interroger sur son propre passé, si intimement lié à l’histoire de son enfant.

 

Camille a 16 ans, elle est en seconde. Elle est l’aînée d’une fratrie de trois enfants. Depuis cinq ans, elle traverse une crise importante qui se retourne contre elle (troubles alimentaires, angoisses, conduites à risques, etc.) et contre ses parents, Albane et Jean. La relation est distante et conflictuelle. Pour Psychologies magazine, ils ont accepté de dialoguer. En dépit des malentendus, une preuve d’amour et de confiance.

Dialogue parents-ado

Camille : Je suis tout le temps en contradiction. Je refuse le cadre et, en même temps, je le recherche. Je trouve que j’ai trop de limites et, en même temps, que je n’en ai pas assez. Je te reproche, maman, de ne pas t’occuper de moi et, en même temps, tu es trop sur mon dos. Vous contrôlez mes sorties mais vous ne voyez pas mon mal-être. Vous ne cherchez pas à comprendre la cause de mes bêtises, mais je ne vous dis rien… Je ne veux pas d’aide. Peut-être par peur de ne pas être prise au sérieux ou par peur de vous faire du mal. C’est normal que vous ne me compreniez pas!

Jean : Depuis que tu as 11 ans, tu es dans ta bulle et je tiens le mauvais rôle. J’essaie de te donner des limites, de t’expliquer les choses. C’est compliqué. Pas facile de tenir le cap. Tu as une forte personnalité, ton opposition est systématique. Forcément, notre relation est conflictuelle. Je pense qu’elle est malheureusement normale : tu es en train de te construire.

Camille : Je ne suis pas proche de vous. J’ai coupé le contact en sixième. En même temps, il n’y en a jamais vraiment eu… Je ne souhaite pas de dialogue. C’est ma façon de vous dire : « J’ai ma vie. »

 

Albane : Qu’il y ait certains points de conflit, c’est normal. Ce qui ne l’est pas, c’est leur constance. On baigne dedans. Tu essaies toujours d’aller plus loin pour affirmer ton identité. Parfois, j’ai envie de baisser les bras. Je suis un peu perdue, mais je tiens bon. Si tu communiquais, je pourrais avoir une relation de confi ance avec toi. Mais je ne te sens pas avec nous, tu m’échappes. J’ai l’impression de te perdre, de ne pas te connaître.

 

Camille : Ça s’est dégradé, et je ne sais pas pourquoi. J’ai toujours l’impression de vivre une injustice, quand vous refusez par exemple que je sorte. Parfois, c’est juste, mais c’est rare. J’ai l’impression d’être un bébé. Du coup, je m’énerve. Tout est conflit : l’école, la vie à la maison, l’ordinateur, le portable, mettre le couvert… La nourriture aussi. J’accepte difficilement l’autorité. Peut-être par envie de la défier. Ça m’énerve de ne plus avoir votre confiance. Mais c’est vrai que, plusieurs fois, je l’ai trahie. En achetant autre chose avec les sous de la carte du bus, en vous mentant pour dormir chez une copine…

 

Jean : Tu t’es créé une vie intérieure. Nous sommes là pour te rappeler la réalité et ça ne te fait pas toujours plaisir !

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  • alexism - 02/04/2014

  • alexism - 02/04/2014

    Je trouve que ce dialogue est très intéressant. Moi j'ai 16 ans, et je reconnais beaucoup ma situation avec mes parents dans cet échange. Pour moi il y a déjà un cassure qui était faite entre moi et ma mère, le lien ne passe plus et cela entraîne des grosses disputes et avec mon père ça d ... lire la suite

  • invite_202949 - 05/12/2013

    C'est un échange très intéressant, il montre malheureusement que l'amour et l'implication bienveillante des parents est insuffisant à faire passer le mal être de l'adolescent, peut être que c'est ce qui est le plus difficile à accepter pour un parent ! Comment comprendre que les insatisfactio ... lire la suite

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