Troubles du comportement, aléas du développement, crise de l'adolescence. Avant 20 ans, l'humeur des enfants est changeante. Comment savoir s'il s'agit d'une dépression ? Comment interpréter ses "je m'en fous", "je suis nul", "personne ne m'aime"...
L'enfance et l'adolescence sont des périodes de la vie synonymes de joie et d'insouciance... Mais, certains enfants et ados peuvent vivre des situations de véritable mal-être. Oui, la dépression est une maladie qui peut aussi toucher les plus jeunes.
En France, en 2010, entre 2,1 et 3,4 % des enfants et 14 % des adolescents étaient touchés par des troubles dépressifs, selon l'Inpes. Cela représente un poids considérable, en termes de souffrance individuelle comme de santé publique. Cette fréquence est d'autant plus inquiétante que la tentative de suicide est une des complications de la dépression.
Contrairement à ce que l'on voit chez l'adulte, la fréquence de survenue d'une dépression est la même chez les filles et les garçons, durant l'enfance. Mais dès la puberté, on remarque, comme à l'âge adulte, un sex-ratio de 2 sur 1 en faveur du sexe féminin.
Les explications avancées sont principalement psychosociales : les adolescentes ont nettement plus que les garçons de leur âge une baisse de l'estime de soi avec une perception négative du corps.
Longtemps la dépression est restée mal identifiée chez les enfants et les adolescents. Mais aujourd'hui, c'est une certitude : le "noyau dur" des symptômes dépressifs est bien le même qu'il s'agisse d'un enfant ou d'un adulte :
Néanmoins, certains symptômes dépressifs peuvent être spécifiques à ces tranches d’âge.
La dépression peut aussi se manifester par :
Dans cette tranche d’âge, la dépression s'exprime davantage par des comportements et des somatisations :
A noter : les idées suicidaires font souvent partie des symptômes de la dépression de l’adolescent.
Il faut une oreille attentive pour entendre dans les expressions et les non-dits de l'enfant ou de l'adolescent une tristesse pathologique et les symptômes de la dépression.
Les mots de l'enfant et de l'ado dépressif
Il dit | Il faut comprendre |
---|---|
"Je m'en fous", "J'en ai rien à faire", "J'ai envie de rien" |
Perte d'intérêt et du plaisir |
"Je suis nul" |
Perte de l'estime de soi, dévalorisation |
"J'y arrive pas" |
Impuissance |
"C'est de ma faute", "Je suis méchant", "J'ai honte" |
Sentiment de culpabilité, de honte |
"Mes parents ne m'aiment pas" |
Perte d'amour, sentiment de désespoir |
"Personne ne m'aime" |
Parfois idées de mort et de suicide |
"Je n'y arrive pas, c'est trop dur", "Je comprends rien", "Je sais pas, j'm'en rappelle pas" |
Troubles de l'attention, de la concentration et de la mémorisation |
C'est dans ses difficultés avec l'école que les changements de comportement doivent attirer l'attention de sa famille et des enseignants.
Un enfant qui a du mal à se concentrer va souvent réagir en évitant ou en refusant de travailler, à moins qu'il ne s'y obstine de longues heures sans résultat. Dans les deux cas, on aboutit à un échec scolaire.
D'un comportement d'opposition à une auto dévalorisation, renforcée parfois par la réaction familiale, se créé un cercle vicieux où la dépression s'aggrave, sans être reconnue ni même suspectée.
Les troubles du registre anxieux sont associés à la dépression dans 40 à 70 % des cas. Cela peut être l'angoisse de séparation, un trouble panique, une phobie scolaire et des difficultés d'apprentissage chez les enfants.
Les comportements perturbateurs (ou troubles des conduites), surviennent souvent avant la dépression dont ils constituent un facteur de risque ; ils peuvent aussi lui subsister.
Les conduites à risques, et en particulier l'usage d'alcool ou de drogues psycho-actives sont souvent des troubles secondaires à la dépression de l'adolescent. Ils en constituent un facteur de gravité.
Devant un changement de comportement d'un enfant ou d'un adolescent qui ne s'explique pas légitimement par un événement familial, social ou personnel (crise d'adolescence), si ce changement dure et s'il y a une souffrance, il faut consulter un professionnel de santé.
Le rôle du médecin ou du pédiatre est important aussi bien au plan diagnostique que thérapeutique. Faire le diagnostic, l'expliquer à la famille et obtenir son aide peut suffire à surmonter l'épisode dépressif.
Mais si le trouble persiste et résiste à cette première approche, il est souhaitable de voir un pédo-psychiatre qui pourra décider de la prise en charge la plus adaptée.
Chez l'enfant et l'adolescents, il est rare que les médicaments antidépresseurs soient indiqués. Mais, plusieurs formes de psychothérapies peuvent être utilisées ; le choix de l'une ou l'autre se fait avec la famille et l'enfant lui-même.
Les enfants de parents dépressifs présentent plus souvent des troubles psychiques que les autres. Le risque est trois fois plus élevé pour eux, en ce qui concerne les troubles de l'humeur.
Une étude* a ainsi montré que 24 % des enfants âgés de 1 an nés de mère dépressive manifestent des troubles de l'interaction. Plus récemment, il a été montré que 40 % des enfants de parents ayant présenté des troubles affectifs autour de la naissance reçoivent un soin psychiatrique au cours de leur vie d'adulte. Ces constatations soutiennent l'intérêt d'interventions thérapeutiques multiformes auprès du couple que forme une mère dépressive et son bébé.
L'influence des relations parents-enfants est primordiale sur le développement de troubles dépressifs chez les enfants, depuis l'enfance jusqu'à l'adolescence. Le temps de l'adolescence est marqué par d'importantes transformations tant physiques et biologiques que psychologiques. Avoir un ou des parents dépressifs à cet âge ne favorise sans doute pas un développement harmonieux.
Aussi, si des enfants ou des adolescents habitent avec une personne dépressive, expliquez-leur que ce dernier n’est pas responsable de son état, qu’il s’agit d’une maladie, qu’il a besoin de soins et de leur soutien.
Le principal risque évolutif des troubles dépressifs de l'enfance c'est surtout la récurrence d'épisodes équivalents au cours de l'adolescence.
Le risque de rechutes et de récidives dépressives à l'adolescence peut en effet atteindre 70 % après 5 ans (pour une dépression caractérisée). En revanche un trouble dépressif réactionnel n'est pratiquement jamais suivi d'un épisode dépressif majeur.
Quant au devenir à l'âge adulte, il est actuellement impossible de trancher :
En revanche les adolescents souffrant de dépression, eux, seraient nettement plus exposés aux troubles dépressifs à l'âge adulte que les témoins.
Pour conclure, selon les recommandations de la conférence de consensus sur la dépression de l'enfant : "nous pouvons et devons nous dégager de l'équation simpliste d'un déterminisme qui lierait fatalement la pathologie de l'adulte aux troubles dépressifs de l'enfant".
Ecrit par:
Rapport Itinéraire des déprimés
Révision médicale : Dr Jesus Cardenas, Directeur médical de Doctissimo, 08 novembre 2017
Mis à jour le 17 octobre 2017
Sources :