"J'ai vécu la séparation d'avec mes enfants comme un rapt légal"

Plus de 160 pères ont répondu à notre appel à témoignage pour exprimer leur sentiment d'injustice, de colère et de tristesse aprés s'être vu refusé la garde de leur(s) enfant(s).

Publié le 20 février 2013 à 12h03 - Mis à jour le 20 février 2013 à 15h32

Temps de Lecture 10 min.

Enthousiastes, inquiets ou réfractaires, l'immense majorité des pères qui ont répondu à notre appel à témoignages soulignent l'importance de la question financière à l'heure du choix.
Enthousiastes, inquiets ou réfractaires, l'immense majorité des pères qui ont répondu à notre appel à témoignages soulignent l'importance de la question financière à l'heure du choix. AFP/FRED DUFOUR

Plus de 160 pères ont répondu en quelques heures, à l'appel à témoignage lancé lundi 18 février sur LeMonde.fr : "Père séparé, vous avez rencontré des difficultés à obtenir la garde de votre enfant".

Ils ont entre 23 et 59 ans, ils vivent un peu partout en France, ils sont cadre, fonctionnaire, ingénieur, carrosier, kinésithérapeuthe ou technicien du spectacle. Tous racontent peu ou prou la même histoire : l'injustice, la colère et la tristesse ressenties après le refus du juge aux affaires familiales (JAF) de leur accorder la garde ou la résidence alternée des enfants après la séparation d'avec leur compagne.

Nous avons sélectionné quelques-uns de ces témoignages.

  • "Un père qui n'a pas la garde de son enfant est un père inexistant", par Vanno, 42 ans

"Dès qu'on parle de père et de mère, l'égalité homme-femme n'existe plus. Ma demande de garde alternée a été traitée en 2005. Mon fils avait 2 ans. Ma demande a été refusée soi-disant pour préserver l'enfant de la relation conflictuelle entre ses parents. A la place j'ai obtenu un droit de visite classique plus tous les mercredi de 9 heures à 18 heures. Autant de moments où mon fils allait être exposé à la relation conflictuelle entre ses parents. Il en a énormément souffert. Au bout de deux ans, j'ai lancé une nouvelle requête. J'espérais obtenir le droit de pouvoir le ramener à l'école les jeudi/lundi matins au lieu de chez sa mère la veille. J'ai été débouté.

L'intérêt de l'enfant ? La juge s'est assise dessus. En prime, la pension alimentaire a été augmentée de 60 %. Notons que sur les quatre ou cinq juges à la chambre de la famille de ce TGI, il n'y a aucun homme. J'ai par ailleurs été choqué par l'agressivité de la juge à mon égard. Chez moi, mon fils a toujours eu sa chambre, son lit, ses vêtements, ses activités extrascolaires etc., que je finance seul. J'ai maintenant deux autres enfants, mais pour les impôts, pour la sécu, pour la CAF, pour les services munipaux de la ville où j'habite, pour la carte SNCF famille nombreuse etc., je n'ai que deux enfants. Conclusion: un père qui n'a pas la garde de son enfant est un père inexistant. Sauf quand il est question de payer."

  • "J'ai eu l'impression qu'il était obscène qu'un père demande la garde de son fils", par Christian, 42 ans

"Apres être passé de nombreuses fois devant le juge aux affaires familliales, j'ai obtenu la garde de mon fils âgé d'un an à l'époque. La procédure fut un long combat juridique durant lequel la mère, se sentant spoliée de sa maternité, a de nombreuses fois, en vain, fait appel de la décision. Les JAF que j'ai croisé à Paris semblaient accepter l'idée qu'un père puisse obtenir la garde, mais il faut tout de même blinder son dossier, être combatif, prévoir une grande disponibilité pour l'enfant et choisir un très bon avocat.    

Les nombreuses visites des enquêteurs sociaux et leurs regards soupconneux ont été difficiles à vivre. Ils brassent du vent dans le sens des clichés, ouvrent le frigo, paraissent surpris que l'on sache cuisiner, inspectent vos toilettes...  J'ai eu l'impression face à eux d'avoir quelque chose à me reprocher et qu'il était obscène qu'un père demande la garde de son fils. 

Lorsque la décision définitive a été rendue vinrent de nouvelles inquiétudes, celles de la mère qui ne se remettait pas de la situation, et les miennes.  Après quatre ans, je vis toujours comme si la décision du JAF ne tenait qu'à un fil. J'ai l'impression que mon ex et la justice me feront payer la moindre erreur. Je ne sais pas trop si c'est une parano ou le fond d'idées reçues sur les compétences éducatives des parents selon leur sexe qui provoque cela. Certains doivent encore penser que cette situation est contre-nature."

  • "Un père qui se bat pour la garde de ses enfants est plus que suspect" par Pierre

"C'est mot pour mot la justification donnée par le juge il y a neuf ans, lors de l'ordonnance de non conciliation, pour me refuser la garde que je demandais. J'étais alors père au foyer, les enfants voulaient vivre avec moi et c'est mon ex-épouse qui m'avait trompé et détruit notre famille. Neuf ans plus tard, et je ne sais plus très bien combien de jugements toujours dans le même sens, le fait accompli s'est pérénisé et les enfants sont toujours chez leur mère... Visiblement pour les juges comme pour les psys, un père qui se bat pour la garde de ses enfants est plus que suspect. A quand l'égalité ?"

  • "Un père a bien moins de droits qu'une mère", par Christophe

"Mon fils me voit chez sa mère - quand elle est d'humeur à me recevoir. Mon fils de 8 ans a fait un arrêt de croissance depuis qu'il ne m'a plus régulièrement trois à quatre jours par semaine. Une séparation et la vente d'une maison ont tout bouleversé.

D'audience en audience à coups de 700 € de frais d'avocat tous les quatre mois; tant qu'on est un père, on a bien moins de droits qu'une mère même lorsque l'on est précisément dans son droit et que l'on a rien à vous reprocher. La vie de mon fils est gâchée et la mienne aussi. Alors je comprends parfaitement cet homme qui demeure en haut de cette grue depuis trois jours et ce qu'il a fait.

A quand des magistrats hommes comme JAF dans les tribunaux de France et une reconnaissance sincère d'autre chose que le portefeuille, le doute ou la rancœur devant les tribunaux pour nous les papas qui aimons nos enfants plus que tout ?"

  • "J'ai vécu la séparation d'avec mes enfants comme s'il s'était agi d'un rapt légal", par Daniel, 58 ans

"Cinq ans ans après mon divorce, j'ai vécu la séparation d'avec mes enfants comme s'il s'était agit d'un rapt légal. Mon ex-épouse avait tout simplement décidé de s'éloigner en emportant les enfants comme un bagage, au mépris de la relation nécessaire de ses enfants avec leur père. La justice lui a donné raison. Elle nourrit évidemment, culturellement une forte prédilection pour la mère et lorsqu'elle se prononce, en principe, dans l'intérêt des enfants, lorsqu'elle nie une paternité, elle ment et elle blesse les enfants qu'elle prétend défendre.

Ma fille a 30 ans maintenant. Elle m'a avoué il y a quelques années regretter ne pas avoir davantage osé dire qu'elle préférait rester avec moi. Je lui ai dit qu'elle ne devait rien regretter puisqu'en faisant cela elle se serait opposée à sa mère, ce qui n'est pas facile pour un enfant.

En conclusion rapide je dois dire que je ne trouve rien de plus simple et de plus intelligent que d'appliquer, comme au Canada, le principe suivant: donner la résidence principale des enfants au parent faisant le moins obstacle à l'autre parent. Dans mon cas, c'était moi. Si la résidence principale de mes enfants avait été fixé à mon domicile, mes enfants auraient pu rencontrer leur mère autant qu'il l'aurait souhaité."

  • "Un juge aux affaires familiales décide de l'avenir de vos relations avec vos enfants", par Didier, 46 ans

"Lorsqu'on divorce ou se sépare subitement un JAF decide de l'avenir de vos relations avec vos enfants ! Du jour au lendemain sans autre forme de raison qu'un soi disant intérêt de l'enfant de tous les jours (malgré le fait que la maman vit à 500 mètres) vous ne voyez votre enfant que quatre jours par mois en passant tous les jours devant son lieu de résidence et son école et tout s'écroule .(...) Et les années défilent et les liens se coupent et l'éducation n'est faite que par un seul parent .... et l'enfant dans tout cela ?

voilà mon histoire c'est pourquoi je milite pour qu'un magistrat n'ait plus à traiter du temps libre d'un enfant ni de pension alimentaire. En quoi le partage du temps libre d'un enfant et le coût de son éducation doivent-ils dépendre de la loi ?"

  • "J'ai ressenti une grande discrimination en tant qu'homme", par Heykel, 45 ans

"Séparé en mai 2010, j'ai la garde et la résidence principale de mes deux enfants depuis décembre 2012. Je ne dois rien à mes trois avocats successifs qui n'avaient de cesse de me dire que mon dossier était compliqué. Selon eux, je n'avais pas assez de fric pour me défendre ! Les divorces ne les intéressent pas. Ils m'ont fait signer le protocole de divorce devant le JAF sans m'en dire les conséquences... (...)

J'ai eu mon ex à l'usure et l'ai contraint par la force des choses à lui faire reconnaître que j'étais le plus capable pour élever les enfants. Si j'avais cédé et écouté mes avocats, je serai peut-être aujourd'hui perché à mon tour sur une grue. Les enquêtes sociales sont indigentes et partiales.

J'ai ressenti une grande discrimination en tant qu'homme aux moyens financiers communs. Le JAF traite les dossier de manière mécanique à l'audience et les enfile à la chaîne en les survolant. Les femmes jouent en terrain conquis, se jouent des failles d'un système acquis à leur cause et n'hésitent pas à mentir grossièrement. Les avocats sont avides d'affaires rentables, pas de divorces."

  • "Un sentiment d’injustice insupportable", par Thierry, 36 ans

"Lorsque j’ai reçu le jugement début janvier, j’ai ressenti un sentiment d’injustice insupportable. J’ai pleuré de tout mon corps. Une semaine sur deux et la moitié des vacances, voici ce que la justice des hommes a daigné m’accorder pour transmettre à mon fils.

Je travaillais depuis deux ans à temps partiel pour m’occuper de lui le mercredi et me suis toujours énormément investi. Mon ex-compagne était vigilante à ce que je partage les tâches à 50% bien qu’elle ne travaillait pas et ne cherchait pas de travail. J’ai passé de nombreuses nuits sans dormir et autant de soirées à bercer mon fils pendant des heures le soir.

J’ai fait tout ce qu’il fallait pour demander une résidence alternée : j’ai réussi à trouver un appartement avec deux chambres à dix minutes à pied de l’école, ce qui est un exploit dans le centre-ville ; j’ai rassemblé un vingtaine d’attestations de médecins, de l’école et de proches montrant l’attention que je porte à mon fils.

Mais il aura suffit d’un stage de trois mois non rémunéré à mon ex-compagne pour arracher notre enfant de son école et de l’emmener à 200 kilomètres de là pour rendre toute résidence alternée impossible. Car puisque mon fils avait moins de trois ans le jour de l’audience (2 ans et 9 mois), la juge a appliqué la jurisprudence qui dit que tout enfant de cet âge doit rester avec sa mère. Et peu importe mon engagement, peu importe les raisons de cette séparation, ce fut un jugement à charge contre le père, tout simplement."

  • "Un calvaire", par Guillaume, 38 ans,

"En 2007, suite à la séparation d'avec la mère de ma fille, la garde de notre enfant est attribuée à la mère. Bien que j'ai prouvé que je m'occupais autant et même un peu plus de l'enfant (la mère était souvent en voyage pour raisons personnelles), la juge décide qu'il est "préférable de ne pas rompre le lien avec la mère."

C'est pourquoi on lui accorde la garde, et même on l'autorisa à retourner vivre en Italie, son pays d'origine, avec notre fille. Au bout de cinq ans et demi, la mère a déménagé quatre fois, elle n'a pas de travail. Mon travail est stable, et je n'ai jamais déménagé. Je ne vois plus ma fille que sept fois par an environ, le plus souvent pour quelques jours, et cela au prix de tractations interminables sur la date et le prix du trajet. Les conversations au téléphone ou via Skype sont également très difficiles à obtenir, je dois parfois réclamer pendant plusieurs jours de parler à ma fille.

Parallèlement, la mère refuse toute médiation, et m'envoie des mails pleins de menaces et d'accusations ridicules. Je sais que je ne dois pas répondre, sous peine de voir mon droit de visite encore diminué. Elle a le droit de me menacer, moi pas. Cela alors que je constate tous les jours que notre fille est élevée de façon erratique, sinon inquiétante.

Ma fille a bientôt neuf ans. Elle réclame depuis trois ans environ de revenir vivre avec moi, et il semble qu'on va enfin l'écouter. Ce sera pour moi la fin d'un calvaire et l'occasion de jouer réellement mon rôle de père."

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