Miser sur l'immunité collective est "une dangereuse erreur" - Sciences et Avenir Partager - Fill 1 Copy Created with Sketch. Santé Covid-19 : pourquoi la stratégie de l'immunité collective serait une "dangereuse erreur" Par le Abonnés Bien que séduisante dans le contexte anxiogène et restrictif de l'année 2020, l'idée de faire circuler librement le virus pour atteindre les 60 à 70% d'immunité protectrice pour la population serait "une dangereuse erreur non étayée scientifiquement" , d'après une lettre de 80 scientifiques. Théoriquement, il faudrait que 60 à 70% de la population soit immunisée pour atteindre l'immunité collective. PHILIPPE DESMAZES / AFP Bien qu'apparemment séduisante, l'idée de s'en remettre à une "immunité collective" face à l'épidémie de Covid-19 serait " une dangereuse erreur scientifiquement non étayée ". Cette affirmation, relayée par la revue , provient d'un groupe de 80 chercheurs internationaux experts en santé publique, épidémiologie, médecine, pédiatrie, sociologie, virologie, maladies infectieuses, systèmes de santé, psychologie, psychiatrie, politique de santé et modélisation mathématique. Le ras-le-bol qui rend l'immunité collective attrayante " Les mesures de confinement ont été perturbatrices, affectant considérablement la santé mentale et physique et nuisant à l'économie ", concèdent volontiers les auteurs de cette lettre. Des " restrictions permanentes " qui ont " naturellement conduit à une démoralisation généralisée et à une diminution de la confiance ". Dans ce contexte de prise de conscience des défis à venir et face à l'arrivée de la seconde vague de l'épidémie, ils observent un regain d'intérêt pour l'approche dite de l'immunité collective, dans laquelle on laisserait tout simplement le virus se répandre de lui-même, jusqu'à ce que plus de 60% de la population soit immunisée. Cette théorie " suggère de permettre une importante flambée incontrôlée dans la population à faible risque tout en protégeant les personnes vulnérables ", reprennent les scientifiques. Beaucoup de morts pour une immunisation incertaine Théoriquement, les scientifiques s'accordent à dire qu'une immunisation de plus de 60 à 70% de la population permettrait de stopper suffisamment la circulation du virus pour que les non-immunisés soient protégés. Mais ce concept d'immunité collective n'est normalement utilisé que pour parler de vaccination, rappelle le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur de l'Organisation Mondiale de la Santé. " Jamais dans l'histoire de la santé publique l'immunité collective n'a été utilisée comme une stratégie de lutte contre une épidémie, encore moins une pandémie. Deux problèmes empêchent de remplacer le futur vaccin par l'infection. Premièrement, " il n'existe aucune preuve d'une immunité protectrice durable contre le virus du Covid-19 après une infection naturelle ", observent en effet les 80 scientifiques dans la lettre du Lancet . Les derniers rapports parlent en effet d'une production d'anticorps variable, jusqu'à , anticorps dont la quantité et la capacité neutralisante ne sont pas encore bien connues. Même avec une mortalité de seulement 1% de la population, le compte peut monter très vite à l'échelle de la population ", pointe la Dr Soumya Swaminathan. L'immunité collective pourra donc être atteinte en laissant l'infection circuler… Parmi les survivants. Sans vaccin, nous souffrirons d'épidémies récurrentes Dans la réalité, " une transmission non contrôlée chez les jeunes risque d'entraîner une morbidité et une mortalité importantes dans l'ensemble de la population ", appuient les chercheurs. En Seine-Saint-Denis, on enregistrait ainsi 130% de surmortalité en 2020 par rapport à 2019. Certains ont essayé, et ont fait machine arrière L'Angleterre et , qui comptaient au début sur la stratégie de l'immunité collective, ont tous deux rétrogradé depuis. " Nous sommes conduits comme un troupeau de moutons vers le désastre ", avait commenté le mathématicien suédois Marcus Carlsson, d'après une autre intervention dans le . En Angleterre, les responsables politiques ont par la suite nié avoir jamais compté sur l'immunité collective. D'après le Sunday Times, le basculement se serait opéré après la publication d'une étude de l'Imperial College de Londres, dont les modélisations prévoyaient 250.000 morts au Royaume-Uni avec la stratégie d'immunité collective.