Immunité collective et Covid : pas en 2021, définition, France...
Malgré le développement des vaccins, l'immunité collective (ou "grégaire") ne sera pas atteinte en 2021 pour arrêter l'épidémie de Covid-19, a prévenu l'OMS. Quel seuil atteindre ? Quel taux en France ? Quels sont les dangers de l'immunité collective ?

[Mise à jour le mardi 12 janvier à 10h14] Parmi les pistes pour contrer une épidémie comme celle du Covid-19 figure le principe de l'immunité collective, aussi appelée immunité "de groupe" ou immunité grégaire. L'immunité collective casse la chaîne de transmission d'un virus et permet d'éteindre une épidémie, soit en laissant les gens s'exposer, soit en les vaccinant. Pour l'OMS, l'arrivée des vaccins contre la Covid ne suffira pas à atteindre l'immunité collective en 2021. "Même si les vaccins commencent à protéger les plus vulnérables, nous n'atteindrons aucun niveau d'immunité de la population ou d'immunité collective en 2021" a déclaré le Dr Soumya Swaminathan lors d'une conférence de presse le 11 janvier. Et "même si cela se produit dans quelques pays, cela ne protégera pas les gens à travers le monde." Les scientifiques estiment généralement qu'un taux de vaccination d'environ 70% est nécessaire pour l'immunité collective d'une population contre une maladie. Mais certains experts craignent que la nature extrêmement infectieuse de la Covid-19 ne nécessite un seuil nettement plus élevé. Quelle est la définition de l'immunité collective ? Quelle efficacité contre un virus ? Et quels dangers ?
Définition : c'est quoi l'immunité collective ?
L'immunité collective correspond au niveau de la protection immunitaire d'une population vis-à-vis d'un agent infectieux. Une fois ce niveau atteint, l'épidémie s'arrête. Pour l'atteindre, deux options : exposer les gens au virus ou les en protéger (via un vaccin).
→ Dans le premier cas, on laisse circuler les gens et ainsi l'agent infectieux jusqu'à ce qu'un certain pourcentage de la population soit infectée. Plus il y a de personnes infectées, plus elles sont censées développer des anticorps contre l'infection et moins elles en contamineront de nouvelles. Avec le temps, cette immunisation collective casse la chaîne de transmission du virus et la maladie s'éteint.
→ Dans le second cas, l'immunité collective est obtenue en protégeant les individus contre le virus. Les vaccins entraînent notre système immunitaire à produire des protéines qui combattent la maladie (les anticorps), comme lorsque nous sommes exposés à une maladie. Les personnes vaccinées sont protégées contre la maladie en question et ne peuvent pas la transmettre, ce qui brise les chaînes de transmission.
Quel seuil atteindre pour arrêter l'épidémie ?
"Le pourcentage de personnes qui doivent posséder des anticorps pour parvenir à l'immunité collective contre une maladie donnée dépend de chaque maladie", rappelle l'OMS le 15 octobre. Par exemple, l'immunité collective contre la rougeole est obtenue quand environ 95 % d'une population est vaccinée. Les 5 % restants sont protégés du fait que la rougeole ne se propagera pas parmi les personnes vaccinées. Pour la poliomyélite, le seuil est d'environ 80 %. Dans le cadre de l'épidémie Covid-19, les experts ont indiqué qu'il faudrait atteindre des seuils de 50 à 60% de la population infectée.
Quel est l'intérêt de l'immunité collective ?
L'acquisition d'une immunité collective a un double objectif : stopper la propagation de maladies contagieuses et mortelles et protéger les plus fragiles qui ne peuvent être vaccinés contre celles-ci :
- les nouveau-nés trop jeunes pour être vaccinés,
- les personnes qui ne peuvent pas se faire vacciner pour des raisons médicales (immunodéficience, greffes d'organes, traitements contre le cancer, réactions allergiques),
- les personnes dont le système immunitaire est affaibli, comme les personnes âgées.
Quel taux en France contre la Covid-19 ?
A la fin du mois de juin 2020, l'immunité face au coronavirus est estimée en France, entre 5 et 15% en fonction des territoires, indiquait le Conseil Scientifique du Covid-19 dans un Avis du 27 juillet 2020. Ce que confirment les résultats d'analyse de l'enquête EpiCoV (menée sur 135 000 personnes) relayés par l'Inserm le 9 octobre. D'après eux, 4,5 % des français avaient eu un contact avec le coronavirus Sars-CoV-2 au mois de mai 2020. La région où la séroprévalence était la plus élevée est l'Île-de-France (9,2 %), suivie du Grand Est (6,7 %). La plus faible concerne la région Bourgogne-Franche-Comté (1,5 %), suivie de la région Centre-Val de Loire et de la Normandie (1,9 %).

Quelle est l'efficacité de l'immunité collective contre le coronavirus ?
Pour l'instant, l'immunité collective n'a pas fait preuve de son efficacité contre l'épidémie de coronavirus.
Pour l'instant, l'immunité collective n'a pas fait preuve de son efficacité contre l'épidémie de coronavirus et les autorités restent sceptiques. Lors d'un point presse le 13 avril, le Dr Mike Ryant, directeur exécutif des programmes d'urgence de l'OMS, a expliqué : "On pourrait s'attendre à ce qu'une personne qui génère une réponse immunitaire avec des anticorps détectables soit protégée pendant un temps" mais "nous ne savons pas quelle est la durée de cette période. Nous pourrions nous attendre à une période de protection raisonnable, mais il est très compliqué de le dire avec un nouveau virus." Une étude chinoise relayée par le Wall Street Journal le 16 avril et menée à Wuhan, point de départ de la pandémie mondiale, montre par ailleurs que malgré de nombreuses personnes testées positives au virus, trop peu développent des anticorps pour être immunisés contre une nouvelle contamination.
Est-ce que ça a marche en Suède ?
Certains pays touchés par l'épidémie de coronavirus ont soutenu le principe de l'immunité collective au début de l'année 2020 puis se sont rétractés et ont finalement décidé de mettre en place des mesures pour limiter la circulation du virus. A l'image du Royaume-Uni qui a annoncé la fermeture de ses écoles à partir du 20 mars avant de mettre en place un confinement généralisé. D'autres ont revendiqué cette stratégie comme les Pays-Bas tout en décidant de fermer les écoles, cafés, restaurants, musées et salles de sport lors du pic de l'épidémie. La Suède est le pays qui a le plus longtemps résisté au confinement, défendant le principe de l'immunité collective. La population n'a pas été confinée mais les universités et les lycées ont été fermés et les rassemblements limités. Mais le 17 décembre, le roi de Suède Charles XVI Gustave a reconnu leur échec dans une interview accordée à la chaîne SVT : "Je pense que nous avons échoué. Nous avons un grand nombre de morts et c'est terrible". Selon les chiffres de l'Université Johns Hopkins, la Suède enregistre en décembre un taux de mortalité de 0.08%, la France est à 0.09%.
Quels sont les risques de l'immunité collective ?
Si l'immunité collective présente des intérêts sanitaires et économiques pour les pays, elle comporte aussi des risques. Principalement en terme de mortalité car en laissant les gens être infectés par un virus pour s'immuniser au fur et à mesure, le taux de létalité peut être très élevé. "Essayer de parvenir à l'" immunité collective " en laissant se propager librement un virus dangereux serait problématique du point de vue scientifique et contraire à l'éthique, a déclaré l'OMS le 15 octobre. Laisser le virus circuler au sein de populations, quel que soit leur âge ou leur état de santé, revient à laisser libre champ à des infections, des souffrances et des décès inutiles." Or "dans la plupart des pays, la vaste majorité des gens restent sensibles au virus".
Sources :
Immunité collective, confinement et COVID-19, OMS, 15 octobre 2020.
Premiers résultats des enquêtes de santé publique de l'Inserm sur la Covid-19 : facteurs de risque individuels et sociaux. Communiqué de presse Inserm 9 octobre 2020.