DU HAUT du " belvédère" qui surplombe l'étroit goulet où confluent la Durance et l'Ubaye, l'oeil embrasse d'un seul coup, comme du haut d'un avion, le magnifique panorama où s'inscrira laréserve du barrage de Serre-Ponçon.
Ce lac artificiel aura une superficie comparable à celle du lac d'Annecy (18 kilomètres de long, 1 200 millions de mètres cubes d'eau). Pour l'instant, quatre chantiers sont déjà en plein travail.
La puissance des moyens modernes est telle que la main-d'oeuvre est peu nombreuse : quatre cents hommes actuellement, mille au plus dans quelques mois, lorsque l'activité aura atteint son maximum.
La première mise en eau du barrage aura lieu en automne 1959. D'ici là, il faudra déplacer 14 kilomètres de voie ferrée et créer 40 kilomètres de routes nouvelles pour remplacer les voies de communications englouties.
L'intérêt de Serre-Ponçon est triple : outre les 700 millions de kilowattheures qu'il va fournir, le barrage va réduire les caprices de la Durance, tantôt à sec, tantôt torrentielle et ravageant tout sur son passage. Les dégâts causés par la crue de 1886 sont restés gravés dans toutes les mémoires.
Enfin et surtout, si l'on se place sur le plan régional, l'ouvrage de Serre-Ponçon présente un grand intérêt agricole. Car si la nappe d'eau va faire disparaître 800 hectares de terre et anéantir cent vingt exploitations, en revanche elle alimentera rationnellement une vingtaine de canaux dont profiteront plusieurs départements.
Les eaux ne seront utilisées pour l'irrigation que lorsqu'elles auront perdu toute énergie potentielle. Dans ces conditions, la fertilisation des terres ne nuira en rien à l'alimentation des usines.
Henri Fesquet
(30 août 1955.)