Lulea (suède) de notre envoyé spécial
Les joueurs de l'équipe de France de basket-ball étaient arrivés au championnat d'Europe en Suède, sans trop savoir ce qu'ils y feraient, "par manque de vécu collectif", répétaient-ils à l'envi. Question "vécu", les voilà servis. A Lulea, petite ville assoupie située à 100 kilomètres du cercle polaire, les Bleus ont disputé trois matches en seulement 42 heures, au milieu d'une patinoire reconvertie en salle de basket.
Ils y ont battu successivement la Bosnie-Herzégovine (98-76), l'Italie (85-52) et la Slovénie (88-82) et se sont qualifiés pour les quarts de finale de la compétition, qu'ils disputeront mercredi 10 septembre à Stockholm face au vainqueur d'un match de barrage entre la Russie et la Croatie.
Le sélectionneur Alain Weisz et ses joueurs ont savouré sans excès cette première partie de parcours. Le match contre la Slovénie, dimanche 7 septembre, leur a donné une idée de l'âpreté des combats qui les attend en deuxième semaine. Menés tout au long de la rencontre, Tony Parker et ses coéquipiers n'ont pris l'avantage que dans un dernier quart temps joué sur un rythme endiablé.
"C'est une victoire chanceuse, car les Slovènes ont dominé tout le match. Nous avons eu un gros mérite de réagir de la sorte", a commenté Alain Weisz, dépité par la prestation de son joueur intérieur, Jérôme Moïso, dont il s'explique difficilement l'extrême nervosité sur le parquet : "Peut-être se met-il trop de pression ?"Etincelant contre la Bosnie vendredi, beaucoup plus discret contre l'Italie le lendemain, le pivot des Toronto Raptors a tout raté (2 points, 1 rebond seulement) contre la Slovénie.
Son inconstance ne laisse pas d'inquiéter Alain Weisz, qui sait que, sans jeu intérieur, la France n'atteindra pas son objectif : arracher l'une des trois places qualificatives pour les Jeux olympiques d'Athènes. La chance du sélectionneur est de pouvoir compter sur des remplaçants capables d'entrer au pied levé dans des matches au couteau. Les défaillances de Jérôme Moïso ont ainsi pu être compensées par Cyril Julian le samedi, puis par Thierry Rupert, le dimanche.
DES ANTITHÈSES DE JOUEURPatriote et fier de l'être, Cyril Julian avait été frustré, au premier jour de l'Euro, en découvrant que les hymnes nationaux n'étaient pas joués avant les matches. Un membre du staff français a alors cherché La Marseillaise sur Internet, l'a téléchargée et l'a gravée sur un CD qui, depuis, ne quitte plus le walkman de Cyril Julian. "J'en ai besoin pour me motiver", lâche le pivot.
Contre la Slovénie, Thierry Rupert a quitté le banc pour effectuer un contre décisif sur le géant Primo Brezec (2,16 m) dans les tout derniers instants du match. "Celui-là, je vais me le repasser en boucle", en riait, après le match, le joueur de Strasbourg.
"Un Euro se réussit parfois avec des joueurs qu'on n'attend pas", prévient Alain Weisz, dont l'équipe présente un casting d'une diversité sans égale. S'y côtoient des stars de la NBA - Tony Parker, Tariq Abdul-Wahad - et des antithèses de joueur à l'américaine, comme Laurent Foirest, qui "jamais ne se lèvera à 4 heures du matin pour voir un match NBA à la télé", selon ses propres dires.
Des puncheurs (Cyril Julian, Ronny Turiaf) fraient avec des stylistes (Boris Diaw, Alain Digbeu), alors que des défenseurs de l'ombre (Thierry Rupert, Makan Dioumassi) et un vieux de la vieille (Moustapha Sonko, 31 ans) sont également là pour rappeler que l'équipe de France n'est pas l'équipe d'un seul joueur, Tony Parker. Ce dernier, cela dit, a parfaitement réussi son début d'Euro.
Cette richesse de "banc" a permis à Alain Weisz de multiplier les rotations de joueurs et de maintenir un rythme soutenu tout au long des rencontres. Les Bosniaques et les Italiens se sont écroulés en seconde mi-temps, ne pouvant suivre la vitesse de jeu imposée par les Français. Délibérément explosif, ce style est à l'image des caractéristiques physiques des joueurs qui le pratiquent. Les Bleus ne possèdent aucun joueur à plus de 2,10 m, ce qui n'est pas fréquent pour une sélection nationale de ce niveau. Ils sont en revanche athlétiques et rapides.
"Notre stratégie est de prendre très vite nos adversaires à la gorge, de faire le rouleau compresseur", résume Cyril Julian. "On pratique un jeu atypique, basé sur la force athlétique et l'explosivité verticale et horizontale. On est la seule équipe à jouer ainsi. On est peut-être en avance de quelques années en Europe", estime Makan Dioumassi.
Ce jeu tout feu tout flamme, dans lequel excelle Tariq Abdul-Wahad, n'est toutefois pas la panacée. "C'est une valeur ajoutée, mais pas une valeur première", souligne Alain Weisz, qui, depuis le début de la préparation, exige de ses joueurs qu'ils alternent les phases ultrarapides et un jeu plus posé, à l'européenne.
"Si on essaie de jouer à l'américaine, avec un jeu ouvert et des shoots rapides, on n'arrivera à rien, estime le sélectionneur. Il faut faire la guerre sur le terrain que proposent les adversaires. Or, ceux-ci sont européens. J'ai des discussions permanentes avec mes joueurs sur ce sujet. Ce n'est pas parce que vous jouez en NBA que tout est plus facile quand vous revenez jouer en Europe. C'est même beaucoup plus dur, car le jeu est ici plus défensif et rigoureux."
Frédéric Potet