Lulea (suède) de notre envoyé spécial
Le discours peut paraître convenu ou lénifiant. C'est d'abord le discours d'une équipe qui gagne et qui ne sait rien des tourments de la défaite. Quand on demande aux basketteurs français comment se déroulent leurs journées en Suède, ils n'ont pas assez de superlatifs pour décrire la "formidable ambiance" et "l'atmosphère géniale" qui, selon eux, régneraient au sein de l'effectif. Et les uns de raconter les parties de PlayStation dans les chambres, les autres - comme l'arrière Makan Dioumassi - d'évoquer "l'énorme business de ".
Vainqueurs de la Bosnie, de l'Italie et de la Slovénie au premier tour de cet Euro 2003, les Bleus - qui doivent affronter la Russie mercredi 10 septembre en quart de finale - auraient tort de se chercher des noises. Et pourtant : dans le passé, l'équipe de France a toujours été le creuset de querelles internes, de chamailleries cachées et de rivalités mal assumées. Nul ne se l'explique. Question de tradition, sans doute.
En matière de "vie de groupe", Alain Weisz n'a pas choisi la simplicité lorsqu'il a entrepris de reconstruire l'équipe de France en vue de cet Euro 2003. Titulaire d'un DEA de sociologie et d'un DEUG de psychologie, le sélectionneur le reconnaît lui-même : "C'est une équipe difficile. Ce n'est pas un jugement de valeur que de dire cela. Mais il y a beaucoup d'ego dans ce groupe. Cela nécessite de discuter énormément avec les joueurs, d'expliquer tout le temps ce que l'on fait."
COMPORTEMENTS SURPRENANTSLe sélectionneur a voulu réunir les "meilleurs" sous le maillot bleu. Il y est arrivé puisque les trois Français de NBA - Tony Parker, Tariq Abdul-Wahad, Jérôme Moïso - sont là. "Il faut bien comprendre que les joueurs qui réussissent en NBA sont des joueurs différents des autres, poursuit Alain Weisz.Il est hors de question d'en faire des moutons, ce serait peine perdue."
Le coach dit ne pas avoir ménagé sa peine, pendant la préparation, pour canaliser certains excès d'individualisme : "Il y a parfois des comportements déviants, surprenants, inhabituels. Les joueurs savent très bien que le "basket-business" se réussit individuellement. Ils ne sont pas fous. Ils trempent dedans toute la journée."
L'Euro 1999, organisé en France, avait été le théâtre d'un des plus fameux malaises de l'histoire du basket français. Un fossé s'était creusé, en plein tournoi, entre plusieurs joueurs et le meilleur élément de l'équipe, Tariq Abdul-Wahad. Les uns reprochaient à celui-ci de tout ramener à lui, alors que "TAW" avait dénoncé des comportements racistes au sein de l'effectif.
Alain Weisz a décidé de faire table rase du passé. "Est-ce que Tariq est plus dangereux -pour la vie de groupe- qu'un autre qui serait moins fort que lui et qui pourrait dévier à tout moment ?, interroge le sélectionneur. Si j'ai pris Tariq, c'est parce que j'ai la certitude qu'il est un joueur exceptionnel. A l'Euro 2001, en Turquie, un spectateur turc m'a demandé pourquoi, un an après la médaille d'argent des Jeux de Sydney, nous n'avions pas réuni les meilleurs joueurs. Il avait raison. Savoir qu'untel est gentil ou pas, franchement, quelle importance ? Je n'ai pas de meurtrier dans mon équipe. J'ai des joueurs qui ont des ego difficiles, parfois cachés. C'est tout."
COMME LES "BARJOTS"En 1999, Cyril Julian avait été particulièrement visé par les accusations de Tariq Abdul-Wahad. "Il avait dit que j'étais lepéniste, ce qui n'est pas vrai", rappelle le pivot de Pau-Orthez.
Celui-ci est aujourd'hui sous le charme de son ancien détracteur : "Ce n'est pas un changement qui s'est opéré chez lui, c'est une transformation. Je retrouve le Tariq de 1992, quand nous étions juniors. Il a mis son ego dans sa poche pour le bien de l'équipe de France. C'est génial pour le groupe."
Cyril Julian, qui dit lui aussi posséder "un ego très fort, mais pas surdimensionné", parle de cette équipe comme "d'une bombe atomique" : "On peut tout faire éclater sur le terrain, mais on peut aussi éclater nous-mêmes par la force de nos personnalités. On ressemble aux Barjots du handball. On est très unis, presque inséparables. Mais si on ne se qualifie pas pour les Jeux, la déception sera tellement énorme que le groupe risque d'exploser."
Les trois victoires du premier tour n'ont pas permis de mesurer, sinon superficiellement, le penchant autodestructeur de cette équipe. Certains joueurs ne cachent pas leur déception quand ils sont remplacés par d'autres en cours de match, mais comment le leur reprocher ? Sur le banc de touche, ils ne sont que deux, Makan Dioumassi et Ronny Turiaf, à mettre de l'ambiance, mais qu'en conclure ?
Et que penser du "cas" Jérôme Moïso, qui s'est refermé sur lui-même à la manière d'une huître après son mauvais match contre la Slovénie ? A son sujet, Alain Weisz semble être démuni. "Avec Jérôme, on parle de peinture, de basket, de pêche, soupire le sélectionneur. Un peu comme avec Cantona..."
Frédéric Potet
La Russie, un adversaire qui réussit aux Bleus
La Russie, qui s'est imposée devant la Croatie en match de barrage (81-77), lundi 8 septembre, sera l'adversaire de la France en quarts de finale du championnat d'Europe, mercredi 10 à Stockholm. C'est un adversaire qui réussit plutôt bien aux Bleus. En onze confrontations depuis 1993, ceux-ci l'ont emporté sept fois et se sont inclinés à quatre reprises. Le dernier match entre les deux équipes remonte au championnat d'Europe 2001, en Turquie : la France s'était imposée de 5 points (78-73).
A l'image de l'Espagne avec Pau Gasol ou de la France avec Tony Parker, la Russie possède un joueur d'exception en la personne d'Andreï Kirilenko, (22 ans, 2,06 m). En Suède, le prodige des Utah Jazz a marqué jusqu'ici 26,5 points de moyenne par match. "C'est un joueur particulièrement fort, mais il n'est pas le seul dans cette équipe", souligne Alain Weisz, le sélectionneur français. Si les Français l'emportent mercredi, ils rencontreront samedi en demi-finales le vainqueur du quart entre la Lituanie et la Serbie-Monténégro. Les autres quarts de finale sont Grèce-Italie et Espagne-Israël.