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La menace américaine vue par la presse iranienne

INTERNATIONAL Téhéran s'inquiète des pressions de l'administration Bush, surtout dans le domaine nucléaire

Pendant la guerre Iran-Irak, une blague circulait à Téhéran  : "Si les Américains gagnent, nous les retrouverons en finale."On ne compte plus aujourd'hui les articles, lettres ouvertes ou manifestes qui s'efforcent de lire l'avenir de l'Iran à travers les méandres de la stratégie américaine. Ainsi, 127 députés du Majlis (Parlement), réformateurs pour la plupart, ont adressé le 25  mai une lettre ouverte à l'ayatollah Khamenei, le guide spirituel. Reprise par le site réformateur Iran-e Emrooz, elle dit  : "Le mouvement de réforme a réussi à surmonter l'isolement de l'Iran et les menaces militaires qui pesaient sur le pays alors qu'il sombrait dans l'inactivité politique. Mais, dans notre histoire contemporaine bien turbulente, on n'a sans doute jamais traversé une période aussi sensible. Il ne reste que peu de temps. La majorité du pays est mécontente et désespérée, la plupart des élites sont silencieuses ou exilées, les investissements fuient et les forces armées étrangères nous entourent. Ce ne sont pas les armes et les chars qui feront barrage aux menaces étrangères, mais le renforcement de la légitimité du régime, l'unité nationale et l'unité entre le pouvoir et le peuple."

Yaas-e Now, quotidien réformateur, cite trois lectures divergentes de l'actualité qui coexistent dans le pays  : "Les analyses extrémistes qui maximisent le danger américain et, de fait, proposent la capitulation  ; celles qui, à l'inverse, minimisent exagérément ce danger et créent un sentiment trompeur de calme dans le pays", et, entre les deux, l'analyse "réaliste" des réformateurs. Mais ces derniers n'ont pas les moyens de se faire entendre et sont dépassés par ceux qui sous-estiment la volonté américaine et imaginent que la diplomatie iranienne, en campant sur des positions immuables, pourra conduire la Maison Blanche à abandonner son "bluff de propagande"et laisser l'Iran se gérer lui-même. "Cette politique contribue à renforcer le front mondial contre l'Iran et affaiblit le front interne face aux pressions américaines, ce qui, à terme, desservira les intérêts nationaux du pays", commente le journal.

Certains milieux d'opposition se mobilisent autour de cette question. Les monarchistes, dirigés par le fils du défunt chah, multiplient les rencontres avec les responsables américains et israéliens. Les Moudjahidins du peuple, basés en Irak, se présentent comme des interlocuteurs auprès des responsables américains. Enfin, la création d'un large front républicain et laïc est proposée par les militants démocrates de la diaspora.

PYONGYANG ET TÉHÉRAN

Or Emrooz souligne le fait que "les nations ne se tournent pas naturellement vers des forces extérieures pour les sauver, à moins qu'un régime despotique n'ait détruit l'espoir d'une vie meilleure et qu'il n'existe pas de solution intérieure séduisante." D'autres pressions extérieures apparaissent au second plan. L'Europe poursuit son action de dialogue conditionnel avec l'Iran. Khorasan rappelle que, depuis le 1er  juin, la quatrième série de rencontres à Téhéran avec les représentants de l'Union européenne permet de revenir à la fois sur les questions politiques - armes de destruction massive, terrorisme, droits de l'homme, processus de paix au Proche-Orient - et sur les échanges commerciaux. L'Iran a déjà signé le traité de non-prolifération nucléaire, mais l'Europe insiste pour qu'il adhère également au protocole supplémentaire de cet accord.

Quant aux responsables iraniens, ils mettent en avant le but pacifique de leur programme nucléaire. Aftab cite le porte-parole du ministère des affaires étrangères de la République islamique, qui réclama la fin de l'embargo que subit l'Iran dans ce domaine.

Mais le risque d'un durcissement se dessine. La presse a fait écho à l'avertissement que le G8 a adressé à la Corée du Nord et à l'Iran, et à l'injonction qui leur a été faite de respecter les accords internationaux sur le nucléaire. La proposition russo-iranienne invitant les Américains à s'impliquer dans le programme civil de l'Iran a été rejetée par Washington. Et certains craignent que la position d'ouverture de l'Europe ne soit remise en cause.

Selon le quotidien modéré Hamchahri, les responsables européens craignent que la question iranienne ne devienne un nouveau sujet de désaccord avec les Etats-Unis.

Guissou Jahangiri



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