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Le "cessez-le-feu unilatéral humanitaire" au Liberia n'a pas été pris au sérieux

Les combats continuent. Kofi Annan demande un déploiement rapide de la force de paix

Monrovia de notre envoyé spécial

En dépit des promesses de cessez-le-feu et des pressions diplomatiques, les combats se sont poursuivis avec intensité mardi 29  juillet dans la capitale libérienne. Des obus ont de nouveau explosé dans le centre-ville de Monrovia, blessant ou tuant plusieurs personnes, toutes civiles. Au QG du général Benjamin Yeaten, le "cessez-le-feu unilatéral humanitaire" annoncé par les rebelles des Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie (LURD), mardi soir, n'a pas été pris au sérieux. "Je ne peux pas croire que le LURD suive les instructions des Etats-Unis. Jusqu'à présent, ils ont méprisé les Américains", estime le général Yeaten, dont les propos sont confirmés par les déflagrations d'obus et les balles qui sifflent et ricochent alentour.

Sur une de leurs Jeep, les combattants du président Charles Taylor ont inscrit maladroitement  : "La mort vaut mieux que la vie." Sous l'intense tir de barrage des rebelles, les miliciens montent au front presque nus, quelques chargeurs dans la poche et la kalach'en bandoulière. "On ne reçoit plus de munitions à cause de l'embargo", confie Johnny Saleh, caché derrière un mur à quelques mètres du champ de bataille. Un jeune soldat arrive, titubant, les yeux dans le vague. Le sang jaillit par un petit trou net dans sa gorge. "Vous croyez que je vais mourir  ?", demande-t-il d'une voix d'enfant.

Un peu plus loin, la vie est presque normale. Le marché est ouvert et animé. Sur les étals, on trouve des piments, des pommes de terre, du poisson séché, des conserves. Mais tout le monde marche d'un seul côté de la route boueuse, à l'opposé des balles perdues. Westpoint est un bidonville peuplé essentiellement de déplacés, d'étrangers et de réfugiés. Aujourd'hui, ils ne savent plus où aller pour être en sécurité, alors ils restent à Westpoint, sur l'estuaire du fleuve Mesurado, au cœur de Monrovia, juste entre les lignes de front. Chaque jour, des femmes partent et marchent pendant cinq heures pour rapporter un peu de nourriture à Westpoint, parvenant quelquefois à vendre du poisson séché pour améliorer l'ordinaire.

"Les gens ont peur d'aller dans les centres de déplacés parce qu'ils se disent que là-bas il y a des maladies, le choléra. Ici, au moins, on connaît", explique Fineboy Vovo, un jeune du quartier, peuplé, avant la dernière offensive du LURD, de plus de 15  000  habitants.

"Au moins 50  obus sont tombés sur notre quartier depuis le 19  juillet -date de la prise du port de Monrovia par les LURD-. Chaque jour, des gens meurent. Nous avons dénombré pas moins de 400  morts", déclare Drseyeh B.  Acquoi, un agent de la Croix-Rouge libérienne qui vit à Westpoint.

LES REBELLES AVANCENT

De l'autre côté de la rivière, les rebelles sont installés et pilonnent les positions gouvernementales situées sur la ligne de crête juste au-dessus de Westpoint. Dans des immeubles qui surplombent les deux ponts menant au centre-ville, le général Yeaten a installé ses mitrailleuses lourdes pour empêcher les rebelles de traverser. "Quand les soldats de Taylor viennent ici avec leurs armes lourdes installées sur des Jeep, nous les chassons. On se met en travers de la route et on les empêche de passer. On ne veut pas qu'après les rebelles tirent sur nous. Eux pourront partir, mais nous n'avons nulle part où aller", explique Emmanuel Koffi, un pêcheur ghanéen installé depuis vingt-cinq ans à Westpoint.

La rumeur veut que les pêcheurs prennent leur pirogue la nuit pour aller chercher du riz du côté des rebelles, qui tiennent le port et donc les dépôts de nourriture de la ville. "Impossible, c'est trop dangereux", répond Joseph Mesah, un autre pêcheur, avant de raconter l'histoire d'un jeune homme qui a tenté de s'échapper il y a quelques jours avec sa pirogue et qui a été tué par des rafales de mitrailleuse.

Le président du LURD promet de cesser les combats "dès que Taylor arrêtera de nous attaquer". Pour Sékou Damate Conneh, ce "cessez-le-feu humanitaire n'est valable que pour Monrovia". Les troupes rebelles poursuivent leur avancée sur Gbarnga, la deuxième ville du pays, qu'ils affirment contrôler, tandis que l'autre mouvement rebelle, le Mouvement pour la démocratie au Liberia (Model), tient le port de Buchanan depuis deux jours.

Alors qu'une équipe de militaires nigérians, chargée d'évaluer la situation sur le terrain avant un prochain déploiement, doit arriver avant la fin de la semaine à Monrovia, M.  Damate Conneh avertit  : "Si Taylor profite de l'arrivée de la force internationale pour rester au pouvoir, il n'y aura pas de désarmement, (...) pas de cessez-le-feu."

"Profondément préoccupé" par la détérioration de la situation sur le terrain, le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, a demandé, mardi, au Conseil de sécurité de donner "le mandat nécessaire" pour accélérer le déploiement de la force de paix nigériane au Liberia.

Alexandre Jacquens



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