Désolante lors de la 1re phase du championnat d'Europe, l'équipe de France de basket-ball s'est pourtant qualifiée, jeudi 22 septembre, pour les demi-finales de la compétition, en battant la Lituanie (63-47), à Belgrade. Après avoir enregistré deux défaites face à la Grèce et à la Slovénie, pour une petite victoire face à la Bosnie-Herzégovine, dans leur groupe qualificatif, les Bleus viennent de battre coup sur coup les champions du monde serbo-monténégrins en match de barrage et les champions d'Europe lituaniens en quarts de finale. Autrement dit, de réaliser deux exploits.
" Le basket, c'est bizarre. Des fois, tu ne comprends pas." La star de l'équipe, Tony Parker, atone lors des premiers matches, était incrédule à l'issue de la rencontre. Comme tout le monde dans le camp français. La victoire des Bleus a une saveur particulière : elle leur permet de se qualifier pour le Mondial 2006, qui aura lieu au Japon. Leur dernière participation au grand rendez-vous planétaire date de 1986, mais ils avaient alors bénéficié d'une invitation. Il faut remonter à 1963 pour trouver trace d'une équipe de France qualifiée dans les règles de l'art pour un Mondial.
En demi-finales, les Français retrouveront leur premier adversaire de la compétition, la Grèce, samedi 23 septembre, à 18 heures, à Belgrade. Tony Parker et ses coéquipiers entendent effacer ce mauvais souvenir (une large défaite, 50 à 64) pour atteindre la finale, un plaisir auquel la France n'a goûté qu'une seule fois, en 1949, à l'occasion d'un baroque championnat d'Europe d'après-guerre, organisé... en Egypte.
Pour espérer écarter l'équipe grecque, les Français devront continuer à réécrire le cours de leur histoire. Annoncés comme des compétiteurs hors pair, élevés pour les plus connus d'entre eux à la rude école du championnat nord-américain, la NBA, les Bleus se sont pourtant montrés d'abord bien dilettantes. Avant de surgir inopinément, au gré d'une inspiration retrouvée, alors qu'on les annonçait mourants.
" LE VILLAGE GAULOIS"
Tenus de disputer un match de barrage annoncé impossible dans la sombre cité voïvode de Novi Sad, à une centaine de kilomètres de Belgrade, les Français se sont retrouvés isolés, face à un public hostile. " On s'est serrés les uns aux autres. C'était le village gaulois", résume Claude Bergeaud, leur sélectionneur. " Ce match contre les Serbes a été un déclic pour nous", analyse aussi Tony Parker.
Cette compétition devait être l'avènement du meneur de l'équipe, grand de NBA venu rendre service à la patrie. Là aussi, le scénario fut surprenant. Invisible au premier tour (4,7 points par match) et empêtré dans la plus grosse crise de confiance de sa jeune carrière, il est redevenu un joueur lambda au sein du collectif français. Lors du début de la rencontre face à la Serbie-et-Monténégro, le jeune homme était remplaçant. Impensable. Ce petit passage sur le banc lui a pourtant été profitable, le soulageant visiblement de trop de responsabilités.
" Il était très favorable à cela pour une seule raison : le bien de l'équipe, explique Claude Bergeaud. On ne lui a pas apporté un soutien moral particulier, on s'est contenté de lui renouveler notre confiance. Moi, j'ai toujours cru que ça reviendrait." Depuis deux matches, le joueur des San Antonio Spurs est décisif à chacune de ses entrées sur le terrain (avec une moyenne de 12 points et 4 passes décisives).
Le technicien des Bleus a lui aussi remis à plat sa manière de travailler. L'analyse du jeu des adversaires et l'exploitation de la vidéo ont été reléguées au second plan. Le " coach" a préféré se focaliser sur le moral de ses troupes et la vie de groupe. Claude Bergeaud a par exemple introduit, dans ses séances d'entraînement, ce qu'ils appellent " des jeux de socialisation". Des amusements de cours de récréation, " que l'on fait en école primaire, qui sont basés sur la collaboration, qui amènent de la jovialité et qui envoient ce message : sans l'autre, je ne peux pas m'en sortir."
" IL EST ÉNORME !"
La France, annoncée de faible niveau au poste de pivot, s'est échinée à faire, là encore, mentir l'inéluctable. Frédéric Weis (2,17 m) a retrouvé son abattage défensif, lui qui semblait perdu pour le basket de très haut niveau. Le joueur de Bilbao, en Espagne, a retrouvé le talent qui était le sien aux Jeux olympiques de Sydney, en 2000, lors desquels les Français avaient raflé une inespérée médaille d'argent. " Il est énorme !", s'extasie Claude Bergeaud.
Pour autant, l'entraîneur, qui affirme toujours ne pas connaître son équipe, ne sait pas à quoi s'attendre à l'heure d'affronter la Grèce, la formation physiquement la plus dure du Vieux Continent - " vicieuse et truqueuse", commente Claude Bergeaud. En quarts de finale, les Grecs ont cloué au sol la virevoltante Russie (61-66), une équipe au jeu et au tempérament relativement proches de ceux de la France. " On vient de loin. On part de zéro. L'équipe mûrit, mais, si on n'a pas peur contre les Grecs, ça sera difficile, analyse Claude Bergeaud. Le syndrome qui affecte en général les équipes qui font un parcours inattendu, c'est qu'elles s'imaginent en finale sans avoir encore passé la demi-finale. J'ai très peur qu'on se grise."
Fabien Friconnet