L'issue des élections allemandes éclaire d'un jour nouveau la polémique qui agite l'Italie depuis une semaine sur l'éventuelle modification de la loi électorale. A moins de six mois des législatives, la coalition de centre-droite au gouvernement a soulevé un tollé en annonçant, le 13 septembre, son intention de modifier les règles du jeu en introduisant plus de proportionnelle dans le système électoral. Un projet de loi, encore flou et qui ne fait pas l'unanimité au sein de la majorité, est en discussion à la commission des affaires constitutionnelles de la Chambre.
Depuis 1993, l'Italie vit un relatif bipolarisme avec l'introduction d'un mode de scrutin aux trois quarts majoritaire. Seuls 25 % des sièges sont attribués à la proportionnelle. Le projet actuel envisage de faire passer à 50 % le nombre des parlementaires élus à la proportionnelle, avec une " prime majoritaire" pour garantir la stabilité à la coalition gagnante.
Le texte prévoit un redécoupage électoral et l'élimination des partis qui ne dépassent pas le seuil de 4 %. Repoussée en bloc par Romano Prodi, le leader du centre gauche, qui dénonce " une escroquerie", l'initiative a vite divisé la majorité elle-même. L'Union des démocrates du centre (UDC) a déposé un amendement pour réclamer la représentation proportionnelle à 100 % comme avant 1993, et la suppression des 4 %.
Au contraire, le parti Alliance nationale (AN) de Gianfranco Fini considère ce seuil comme un garde-fou minimal contre l'instabilité. " Les lois électorales doivent garantir des majorités sûres, et donc la stabilité des exécutifs", a affirmé M. Fini en commentant les résultats des élections en Allemagne. Ceux-ci, a insisté le ministre de la santé, Francesco Storace (AN), " montrent que la proportionnelle n'est pas le meilleur système du monde". La Ligue du Nord, parti populiste influent auprès de Silvio Berlusconi, s'oppose à un " maquillage inutile", mais pourrait marchander son soutien à la réforme électorale contre le vote de la loi sur le fédéralisme actuellement en navette au Parlement.
Le parti de M. Berlusconi, Forza Italia (FI), qui fut à l'origine de l'introduction du bipolarisme en Italie, tente d'expliquer sa reconversion vers un système jusque-là critiqué : " La proportionnelle avec un seuil de barrage peut produire un bipolarisme efficace et simplifier les coalitions", estime Sandro Bondi, coordinateur de FI. Selon les analystes, le seuil de 4 % pénaliserait surtout l'opposition de gauche, qui compte de nombreuses petites formations. Doté par les sondages de 9 points de retard sur l'opposition, Silvio Berlusconi a trouvé dans le scénario allemand matière à espérer : " Schröder a étrillé Angela Merkel, je suis certain d'écraser Romano Prodi", a-t-il confié à des journalistes.
Jean-Jacques Bozonnet