FAIRE du neuf, avec beaucoup de " vieux". Pour affronter les Iles Féroé, samedi 3 septembre, au stade Bollaert de Lens (Pas-de-Calais), match comptant pour les éliminatoires de la Coupe du monde 2006, l'équipe de France de football va dupliquer une formule qui a donné satisfaction, le 17 août, lors de la rencontre amicale face à la Côte d'Ivoire (3-0).
Jamais, depuis le 1er mai 1904, première sortie officielle des Bleus, une équipe aussi âgée n'avait été alignée. " Moi, j'avais l'impression -que tous les joueurs- avaient 20 ans, se défend Raymond Domenech, le sélectionneur. Ils couraient dans tous les sens, heureux de jouer, alors ça ne change rien. On a l'âge de son coeur." Raymond Domenech avait pourtant fait le choix de rajeunir son effectif après l'échec de l'Euro 2004, où la France avait été battue en quarts de finale par la Grèce (1-0).
Face à la Côte d'Ivoire, l'âge moyen des joueurs, lors du coup d'envoi, s'élevait à 29 ans et 11 mois. Six avaient plus de 30 ans : les trois ex-retraités internationaux (Le Monde du 18 juillet), Lilian Thuram (33 ans), Zinédine Zidane (33 ans) et Claude Makelele (32 ans), ainsi que Grégory Coupet (32 ans), Vikash Dhorasoo (31 ans) et Sylvain Wiltord (31 ans).
Samedi, Patrick Vieira (29 ans), absent le 17 août en raison d'une blessure, devrait faire son retour dans l'équipe de départ, peut-être à la place du Lyonnais Florent Malouda (25ans), plus jeune joueur titularisé par Raymond Domenech lors de France-Côte d'Ivoire. Si tel était le cas, c'est un nouveau record qui serait battu, la barre des 30 ans étant atteinte.
A titre de comparaison, l'âge moyen des joueurs de l'équipe de France alignés lors des premiers matches des éliminatoires pour le Mondial 2006 tournait autour de 26 ans. Mais les Bleus, à qui il reste quatre rencontres à disputer dans le groupe 4, sont en fâcheuse posture : ils ne sont classés que quatrièmes, à trois points des leaders, les Irlandais, qu'ils doivent affronter, mercredi 7 septembre, à Dublin. Seuls les premiers se qualifient directement. Une séance de rattrapage est prévue pour les deuxièmes, sous la forme d'un match aller-retour de barrage. Face à l'inconfort de la situation, Raymond Domenech a donc fait le choix de l'expérience.
Depuis son premier match à la tête des Bleus, en août 2004, face à la Bosnie, le sélectionneur national s'était évertué, jusqu'à la rencontre face à la Côte d'Ivoire, à renouveler son groupe : en onze rencontres, il a convoqué trente-quatre joueurs et lancé dix nouveaux éléments, tous âgés de moins de 26 ans. Avant Iles Féroé - France (0-2), le 8 septembre 2004, il parlait encore d'une équipe " en reconstruction", " avec un groupe qui a envie de bien faire les choses". Les résultats ne se sont pas améliorés, et les anciens sont de retour, en deus ex machina.
Raymond Domenech se défend pourtant de revenir à la case départ. " J'essaie de bâtir la meilleure équipe possible pour nous qualifier pour la Coupe du monde, affirmait-il, mardi 30 août, dans le quotidien sportif L'Equipe. (...) C'est aussi ce qui s'est passé la saison dernière qui nous a permis d'en arriver là. On a avancé, on a vu du monde. Je n'ai pas l'impression que l'on recommence de zéro. J'ai fait ce qu'il fallait faire, au moment où il fallait le faire. Aujourd'hui, la situation a changé, c'est comme ça."
L'équipe de France qui devrait être alignée face aux Iles Féroé et à l'Irlande ressemble finalement beaucoup à celle qui avait échoué lors de l'Euro 2004 au Portugal : treize des vingt joueurs appelés par Raymond Domenech faisaient déjà partie du groupe façonné par son prédécesseur, Jacques Santini, il y a plus d'un an.
QUESTION DE STATUT
" Rétrograde, classique, avant-gardiste, appelez -l'équipe- comme vous voulez ! Les commentaires, les jugements, je m'en fous", s'agaçait le sélectionneur national, mardi 30 août, à Clairefontaine-en-Yvelines, où se préparait l'équipe de France. Et de compléter : " Ceux qui avaient arrêté avaient un niveau supérieur -à ceux qui sont en place depuis un an-, ça paraît évident."
Quatorze mois après l'échec de l'Euro, le retour des anciens repose la question du statut de tous ces joueurs associés à la gloire passée de l'équipe de France, à ses succès lors du Mondial 1998 et l'Euro 2000. " A l'Euro -2004-, les joueurs faisaient ce qu'ils voulaient, avait déploré, en février 2005, l'ancien sélectionneur Jacques Santini. Ce sont eux qui -avaient- décidé les règles de vie du groupe."
Les retours de Zinédine Zidane ou Lilian Thuram mettent-ils en cause tout ou partie du pouvoir de Raymond Domenech à la tête de l'équipe de France ? " C'est une question que l'on peut se poser, même si je ne pense pas que vous ayez raison", répondait le gardien de but Grégory Coupet à cette question, mardi 30 août, dans le bihebdomadaire France Football.
" Je n'ai jamais négocié avec quiconque, quel que soit son talent de joueur, par rapport aux règles collectives, affirme quant à lui Raymond Domenech. Les joueurs de haut niveau ont leur mot à dire (...). Etre intelligent, ce n'est pas abuser d'une situation qui te donne du pouvoir, c'est se situer en fonction du collectif (...). Les trois joueurs qui reviennent sont très intelligents."
Guillaume Lainé
