ET SI ZIDANE n'était pas le sauveur tant attendu ? Et si les Bleus trébuchaient à Dublin ? Et si l'équipe de France ne parvenait pas à se qualifier pour la Coupe du monde 2006 en Allemagne ? A la veille d'un match capital, mercredi 7 septembre, face à l'Irlande, le spectre d'une France privée de mondial n'est pas encore dissipé.
Les joueurs de Raymond Domenech ont certes battu les Iles Féroé (3-0), samedi 3 septembre, à Lens, mais leur prestation d'ensemble n'a pas complètement rassuré. A trois rencontres de la fin des éliminatoires, les Bleus pointent à la troisième place de leur groupe - à égalité de points avec les Irlandais et les Suisses. Or seul le premier du classement sera assuré d'aller en Allemagne. Le second aura peut-être le droit de disputer un match de barrage. Et le troisième devra se contenter de regarder le tournoi à la télévision.
A la Fédération française de football (FFF), on minimise l'impact économique d'un tel scéna-rio. " Sur le plan économique, cela n'aurait aucune conséquence : la FFF ne déposerait pas le bilan !, avait assuré son président, Jean-Pierre Escalettes, dans Le Monde du 1er juin. Mais ce serait une catastrophe pour le football français dans son ensemble, pour tout le travail de formation accompli en profondeur dans les clubs. Ce serait une terrible désillusion !"
Une non-qualification de l'équipe de France pour la phase finale de la Coupe du monde n'améliorerait cependant pas les comptes déjà mal en point de la FFF. Le budget 2005-2006 - qui a anticipé une élimination de la sélection nationale - prévoit une perte de 4,6 millions d'euros.
" A court terme, une non-participation à la Coupe du monde n'entraînerait pas de grosses pertes pour la FFF. A moyen terme, en revanche, elle pourrait être problématique en matière de vente des droits télé et de partenariats", analyse Victoriano Melero, avocat spécialisé dans le droit du sport et des médias au cabinet Clifford Chance, qui a notamment conseillé la Ligue de football professionnel (LFP) pour la vente des droits de diffusion du championnat de France.
" Pour être en position de force pour vendre des doits de retransmission aux télévisions et attirer des partenaires, il vaut mieux que la France participe à la prochaine Coupe du monde", poursuit Victoriano Melero.
Actuellement, la FFF essaie de renégocier les contrats qui la lient avec la société de marketing sportif Sportfive afin de récupérer notamment le contrôle des droits télévisuels de l'équipe de France. Aussi, elle est en recherche d'un quatrième " Top sponsor" pour remplacer LG. Et les contrats de deux autres sponsors principaux des Bleus (Carrefour et Canal+) arrivent à leur terme fin juillet 2006, soit juste après la Coupe du monde. Avec un ticket d'entrée de 2,5 millions d'euros par an, il y a fort à parier que ceux-là pourraient y réfléchir à deux fois avant de reconduire leurs investissements en cas de non qualification. " Aujourd'hui, il y a un vrai problème d'identité, de positionnement, pour vendre la marque équipe de France : on ne parle que de Zidane, Thuram et Makelele, des joueurs quine seront plus là après 2006, observe Victoriano Melero. Pour attirer des grands groupes, il faut reconstruire l'image de l'équipe de France."
Pour lui, si la France est absente en Allemagne, les partenaires des Bleus devront revoir leur politique de communication pendant la compétition, voire à reconsidérer leur engagement. Contacté le groupe Carrefour n'a pas souhaité faire de commentaire sur le sujet.
AUDIMAT ET PUBLICITÉ
Côté diffuseur, une élimination de la France aurait des conséquences économiques importantes. TF1 a déboursé quelque 100 millions d'euros pour s'assurer la retransmission des 24 meilleurs matches de la phase finale du Mondial. Et compte beaucoup sur le retour de Zinédine Zidane pour faire fructifier son investissement. Lors de la rencontre amicale France - Côte d'Ivoire, diffusé le 17 août, la chaîne a réalisé son meilleur score depuis 1994 pour un mois d'août avec 9,7 millions de téléspectateurs. Fort de ce succès, TF1 a décidé d'augmenter de 10 % le prix de ses écrans publicitaires pour les matches contre les îles Féroé et l'Irlande. Un spot de 30 secondes sera ainsi vendu environ 100 000 euros à la mi-temps d'Irlande-France, mercredi.
" Même si les responsables de TF1 affirment qu'elle n'aura pas un impact majeur, une non-participation de la France à la Coupe du monde aura des répercussions négatives pour la chaîne, soutient Victoriano Melero. Et on peut prévoir que le manque à gagner pour TF1 - qui était déjà d'une dizaine de millions d'euros lors du Mondial asiatique de 2002 après l'élimination de la France au premier tour - sera supérieur en 2006." Le prix des spots était en effet minoré par le fait que les matches étaient retransmis en France le matin à cause du décalage horaire avec l'Asie, précise l'avocat. La Coupe du monde allemande, sera, elle, diffusée aux heures de plus grande audience, là où les prix de la publicité flambent.
Au quotidien L'Equipe, on estime le manque à gagner publicitaire " entre 5 et 10 millions d'euros" au niveau du groupe (L'Equipe magazine, L'Equipe TV, France Football...) dont les deux tiers pour le seul quotidien. " C'est un chiffrage difficile à faire, explique Christophe Chenut, directeur général du groupe. Contrairement à TF1, nous n'avons pas acheté de droits, et avec ou sans l'équipe de France, les gens achètent tout de même le journal pendant une Coupe du monde."
Stéphane Mandard