AU commencement, une photo parue dans un numéro du Nouvel Observateur de mai 2002 en illustration d'une enquête titrée : "Le barrage des ados". Signé Olivier Jobert, de l'agence Sipa, ce cliché a été pris le 27 avril 2002 place de la Nation à Paris lors d'une des manifestations anti-Le Pen qui ont suivi la qualification du leader du Front national pour le second tour de la présidentielle. La photo montre des jeunes gens réunis sous une banderole des Jeunesses communistes révolutionnaires (JCR), se tenant par le bras et hurlant des slogans. L'un des garçons tient un carton où figure l'inscription "Non au F-Haine".
Un an après, Francine Raymond et Julie Gavras ont voulu savoir ce qu'étaient devenus les jeunes manifestants de cette photo. Elle en a retrouvé sept, quatre filles et trois garçons, âgés de 17 à 24 ans, qui reviennent sur les circonstances de leur mobilisation et sur leur engagement politique. Fondé sur leurs témoignages, J'ai 17 ans, l'âge de raison, laisse percevoir les combats et les doutes d'une génération.
En majorité Lycéens ou étudiants, ils voulaient réagir après le choc du premier tour. Pour la plupart d'entre eux, c'était la première fois qu'ils descendaient dans la rue. Ces manifestations anti-Le Pen, ils les ont vécues comme un moment festif autant qu'une occasion de faire connaître leur mécontentement. "Je me suis plus amusé à ce truc-là qu'à la Technoparade", lance ainsi en riant Mohamed, étudiant en anglais avant de confier, plus grave : " C'était ma première manif. J'y suis allé pour défendre mes droits, montrer que j'étais quelqu'un qui souffrait vraiment de ce qui s'était passé."
Laurent, lycéen, est descendu dans la rue, entraîné par sa copine Elsa, âgée comme lui de 17 ans. L'expérience ne l'a pas convaincu : "Je me dis que j'ai toute la vie pour voir le monde évoluer." Son apathie hérisse Elsa : "On est assez grands pour avoir nos opinions ! Tous ceux qui ont essayé de changer le monde avaient moins de 30 ans !" Pour Caroline, étudiante en droit, les manifestations ont été un moyen de "conscientiser les gens qui avaient voté Front national et ceux qui n'étaient pas allés voter". En 2003, comme presque tous les jeunes gens de la photo, elle est retournée dans la rue pour protester contre la guerre en Irak.
Sylvie Kerviel