Les événements tragiques de Melilla et Ceuta, enclaves espagnoles au Maroc, ont remis sur le devant de la scène les questions d'immigration. Etes-vous solidaire de l'action du gouvernement socialiste espagnol dans ce dossier ?
Le gouvernement de Zapatero ne peut agir seul. Il doit interpeller l'Europe car ces événements se produisent aux portes de l'Union. Or, actuellement, il est en train de faire barrage en attendant des décisions qui ne viennent pas ! Une autre méthode que le traitement sécuritaire est nécessaire. On ne peut plus accepter ces scènes inhumaines où l'on voit des immigrés victimes de ratonnades, tirés comme des lapins.
La question de l'immigration africaine est ancienne, mais ce qui s'est passé à Melilla et Ceuta nous renvoie nos échecs à la figure. Si on ne fait rien, demain, les candidats à l'immigration seront dix ou vingt fois plus nombreux.
Qu'attendez-vous de l'Union européenne ?
Elle doit, de manière urgente, engager une vraie politique de codéveloppement, rééquilibrer les échanges et instaurer de véritables partenariats - des contrats -, avec les pays concernés. Cela permettrait à la fois de fixer les populations dans leurs régions d'origine grâce à de véritables programmes locaux de développement, de baisser la pression dans les pays d'accueil et de faire venir, en fonction de nos besoins, la main-d'oeuvre dont nous avons besoin.
Mais vous êtes opposé à l'idée, proposée par Nicolas Sarkozy, d'instaurer des quotas...
C'est tout à fait différent. Le partenariat dont je parle ne consiste pas à piller les richesses et les cerveaux des pays du Sud. Il vise, d'un côté, à les aider en leur apportant expertises, microcrédits, formations, etc., et, de l'autre, à cerner les secteurs dans lesquels leur main-d'oeuvre est excédentaire. Sortons de l'hypocrisie. On sait bien qu'ici des secteurs d'activité comme l'hôtellerie, la restauration, le bâtiment, l'agriculture - pour ne citer qu'eux - manquent de bras. Nous ne devons pas laisser ce terrain à Nicolas Sarkozy, qui se complaît surtout dans le commentaire. Ses seuls actes sont ceux qui relèvent de la répression ou des expulsions.
J'estime qu'il faut établir un bilan chiffré, branche par branche, des besoins en main-d'oeuvre aujourd'hui non satisfaits. Puis, à partir de là, nous devons commencer à proposer ces emplois aux immigrés clandestins qui sont déjà là. Ces salariés existent, ils n'ont pas de papiers, on pourrait même dire pas de visage.
Vous proposez de régulariser les sans-papiers ? Sur ce sujet, le PS se tait depuis un moment...
Je suis pour une régularisation raisonnée, fondée sur un diagnostic chiffré et annuel des besoins. Je propose d'engager des négociations avec les employeurs, en liaison avec l'ANPE, pour s'assurer que ces emplois ne sont pas susceptibles d'être pourvus par des chômeurs. Dans ces cas-là, ils seront proposés aux sans-papiers que l'on régularisera. Evidemment, il faudra veiller à ce que les employeurs jouent le jeu en fournissant de vrais contrats de travail et non des contrats précaires.
Cette méthode ne permettra pas de régler la situation de tous, mais contribuera à tarir les flux migratoires de clandestins qui font la fortune des trafiquants.
Votre méthode n'est-elle pas identique à celle du gouvernement espagnol, qui a procédé au printemps à 700 000 régularisations de sans-papiers détenteurs de contrat de travail ?
Ce que l'Espagne vient de faire, nous l'avons fait en 1981. Cela ne marche pas. Ce type de régularisation ouvert à tout le monde avec, dans le cas en question, une date butoir, favorise, parce qu'il attire, une spirale infernale et finalement des drames comme ceux de Ceuta et Melilla.
Votre système met-il fin aux charters d'expulsion utilisés par la droite comme par la gauche ?
Si, comme je le souhaite, nous réglons les problèmes en amont, nous n'aurons pas à recourir à ce type de méthode.
Au sein de la direction du PS, êtes-vous d'accord sur ce sujet ? Malek Boutih, secrétaire national du PS, par exemple, se disait plutôt favorable aux quotas...
Je n'ai pas la même vision. François Rebsamen, Bruno Le Roux, Kader Arif -tous trois secrétaires nationaux- et moi-même avons déjà exposé notre approche de la question dans un texte commun rendu public à la veille de l'université d'été au mois d'août.
Etes-vous pour la discrimination positive ? C'est un concept piégeur qui a échoué dans d'autres pays. Il faut aussi éviter des mesures comme le CV anonyme que je considère comme une stratégie d'évitement : qu'est-ce que cela signifie de cacher son nom ou son adresse ? La charte de la diversité est davantage louable et certainement utile. Mais elle relève surtout de l'intention. Il faut rendre obligatoire, dans les entreprises, un bilan de l'égalité des chances. Cela permet d'éviter une loi comme la parité.
Un parti comme le PS doit aujourd'hui montrer le chemin et être plus représentatif de la population. Sur toutes ces questions, il est attendu au tournant. Si nous tournons le dos à cet électorat d'origine immigrée, cela favorisera le vote communautaire.
Propos recueillis par Isabelle Mandraud et Laetitia Van Eeckhout