Bagdad de notre envoyé spécial
Les marines américains se déploient dans la capitale irakienne, prudemment, nerveusement. Ils installent des points de contrôle aux carrefours, fouillant des voitures à la recherche d'armes, entamant parfois un dialogue avec la population. Et ils progressent vers les quartiers ouest et nord, où des soldats encore fidèles au régime et des moudjahidins étrangers se sont retranchés.
De violents affrontements ont encore lieu sporadiquement. Les marines ont ainsi dû combattre, jeudi 10 avril, des soldats irakiens cachés dans la mosquée Al-Adham, dans le nord de Bagdad, et des volontaires arabes dans le quartier résidentiel d'Al-Mansour, à l'ouest. Ils s'attendent à trouver d'autres poches de résistance et redoutent des incidents isolés, un sniper étant parvenu à tuer un des leurs. Et ils craignent par ailleurs des attentats-suicides, après qu'un homme a fait exploser sa voiture jeudi à un barrage, tuant au moins un soldat.
La bataille la plus sérieuse a eu lieu autour de la mosquée Al-Adham, près du centre. L'armée américaine aurait eu des renseignements sur la présence de dignitaires irakiens tentant de tenir un conseil de guerre. Les marines ont été accueillis par des rafales d'armes automatiques, et les combats, très intenses, avec le renfort d'hélicoptères, ont duré quatre heures. Les soldats ont finalement découvert des membres de la milice des fedayins de Saddam et, semble-t-il, des hommes de la Garde républicaine, deux unités qui étaient respectivement commandées par Oudaï et Qoussaï, les deux fils de Saddam Hussein. Les Américains affirment qu'un des leurs a été tué et vingt autres blessés dans la bataille de la mosquée. Cinq civils ont été tués et six autres ont été blessés par les tirs croisés.
BARRAGES DE RUEA Al-Mansour, ainsi que dans les quartiers d'Adhamia et de Ouaziria, les Américains ont découvert que des moudjahidins étrangers, qui avaient rejoint l'Irak afin de combattre les forces américano-britanniques, occupaient des bâtiments. Ils avaient également érigé des barrages dans certaines rues, notamment près du quartier général des Moukhabarats, la police secrète de Saddam Hussein. Les marines ont fait intervenir l'aviation, qui a bombardé les positions, avant d'investir le quartier. Ils traquent désormais les derniers volontaires, n'excluant cependant pas de buter sur d'importantes unités dans les faubourgs de la capitale.
Les Américains refusent d'arrêter les pillards. Pour eux, Bagdad est toujours en état de guerre, et il n'est pas question de mobiliser des troupes pour assurer le maintien de l'ordre. "De toute façon, les pillages sont aussi, en quelque sorte, une expression de la liberté retrouvée", affirme un officier.
Rémy Ourdan