Nice de notre envoyée spéciale
L'extrême droite d'abord, la droite ensuite, et les élections régionales de 2004 en point de mire. Une partie de la gauche a ciblé ses priorités et ses "combats", vendredi 18 avril à l'Acropolis de Nice, le palais des congrès qui accueillait au même endroit, dès le lendemain, le congrès du Front national.
Un an après le "séisme" du 21 avril 2002, le PS avait choisi cette "ville symbole" du rassemblement du FN et du "recyclage", selon François Hollande, "par la droite d'un ancien d'extrême droite", Jacques Peyrat, le maire, pour organiser une "nuit de la démocratie". Ce préambule, à l'initiative des socialistes de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), précédait des manifestations plus larges organisées sur place, samedi et lundi. Après la visite du premier secrétaire du PS, Arnaud Montebourg, chef de file du Nouveau Parti socialiste (NPS), envisageait pour sa part de défiler le 21 avril.
Vendredi soir, dans une salle de 750 places à moitié remplie seulement et à l'enthousiasme très mesuré, il a été beaucoup question de "cicatrices"à panser. La Ligue des droits de l'homme et le MRAP, dont les responsables s'étaient décidés au dernier moment à apporter leur contribution, n'ont pas ménagé leurs critiques.
Mais c'est une gauche plurielle en formation réduite qui a débattu du "rassemblement" de ses forces après son traumatisant échec. La banderole socialiste, "Ne jamais revivre un 21 avril ", accrochée au rideau de la scène, était simplement flanquée de deux drapeaux des Verts plantés sur des perches.
Timide ébauche d'entente alors que tous les congrès post-défaite des partis de l'ex-gauche plurielle, hormis celui du PS, ont eu lieu. Les écologistes, à commencer par leur secrétaire national, Gilles Lemaire, dont c'était la première apparition publique sur une estrade commune avec le PS, ont répondu à l'appel. Mais pas le PCF.
Quant au message lu à la tribune du représentant du MRC (Mouvement républicain et citoyen), Jean-Louis Dieux, conseiller régional en PACA, il a été plutôt fraîchement accueilli. D'accord pour envisager une "suite" dans laquelle le MRC "prendra toute sa place dans la perspective d'une reconstruction de la gauche", il n'a pas manqué de rappeler que si "émiettement" il y avait eu, c'est parce que "Lionel Jospin n'était pas apparu en mesure de répondre aux interrogations du moment". Assis au premier rang, M. Hollande n'a pas applaudi.
Les orateurs Verts, de leur côté, ont revendiqué "un certain droit d'inventaire". M. Lemaire, qui a bifurqué au dernier moment pour ne pas rentrer dans la salle par la même porte que le premier secrétaire du PS, a déploré "l'image de l'impuissance politique malheureusement donnée par Lionel Jospin lui-même", notamment "face aux salariés de LU".
"CESSONS DE NOUS FLAGELLER"Mais le secrétaire national des Verts s'est ensuite montré plus engageant : "Nous saurons nous rassembler", a-t-il déclaré, allant jusqu'à prédire : "Ensemble, nous ferons vivre une alternative politique." Il est vrai que les élections régionales approchent et qu'en PACA, tout particulièrement, la candidature déclarée de Jean-Marie Le Pen nourrit les angoisses. Pour tenter de préserver une région difficilement conquise en 1998, les socialistes ont appelé à la mobilisation de tous.
"Alors que l'on criait au secours lorsque le FN faisait 15 %, il est aujourd'hui devenu, avec près de 30 % des voix, le premier parti de la région. Demain, il peut emporter la majorité absolue", a lancé Michel Vauzelle, actuel président du conseil régional et probable candidat en 2004. "Cessons de nous flageller, a-t-il poursuivi. Nous avons le devoir de nous rassembler.""Dans les Alpes-Maritimes, il y a déjà eu quantité de 21 avril, a souligné Patrick Allemand, premier secrétaire de la fédération PS. Pendant treize ans, la gauche a été absente du second tour de toutes les élections." Guy Obino, maire socialiste de Vitrolles, a longuement décrit le "cauchemar"de la gestion de sa municipalité, avant lui, par le couple Mégret : "L'insécurité a explosé, des habitants ont été montés les uns contre les autres, les finances ruinées. Savez-vous qu'il pleuvait dans les écoles de Vitrolles ?"
Mais il n'a pas été seulement question de faire "barrage" au FN, ce "parti souterrain qui n'a pas besoin de militants pour prospérer car il vit sur le terreau de la peur", selon M. Hollande. L'ennemi, vendredi soir à Nice, c'était aussi la droite de Jean-Pierre Raffarin et Nicolas Sarkozy, accusée d'emprunter ses idées aux extrêmes. Au PS, qui distribuait ses tracts sur "la casse sociale et l'échec économique"du gouvernement, les Verts, en tout cas, ont joint leurs voix sans mégoter.
Isabelle Mandraud